Le rapatriement du Nouvel An est un évènement phare pour les Responsible Young Drivers.
Camille, animatrice adjointe chez les RYD, nous explique comment se déroule la soirée du 31 décembre pour l’équipe et les volontaires et ce qu’ils mettent en place pour que les fêtards et fêtardes rentrent chez eux en toute sécurité.
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« Ce qui nous distingue d’autres acteurs, c’est cet aspect ludique et non moralisateur. »
Arrivés à la station de métro d’Érasme, où Laura, coordinatrice des RYD Wallonie-Bruxelles nous a donné rendez-vous pour l’interview, nous nous dirigions naturellement vers l’hôpital éponyme. Mais c’était oublier que sur le site d’Érasme est implantée l’École de Santé Publique de l’Université libre de Bruxelles ! Mais pourquoi avoir choisi ce lieu ?
Jeunes & Libres : Quel est ton parcours scolaire et professionnel avant les RYD Wallonie-Bruxelles ?
Laura Gonzalez : J’ai suivi des études d’infirmières. J’étais passionnée par le métier en tant que tel. Mais sur le terrain, ce n’était pas tout à fait ce qui me convenait, je ne retrouvais pas assez le côté humain que je recherchais. Ça parait étonnant, mais les seuls soins qui m’ont passionnée durant mes stages sont les soins palliatifs et la psychiatrie (rires, NDLR). J’avais le sentiment, dans les autres services, d’être astreinte à faire du « rendement ».
J’ai tout de même fini mes études, ce qui m’a donné accès à des études de santé communautaire, appelée à l’époque « infirmière sociale ». C’est une formation davantage tournée vers la prévention et la sensibilisation, en école ou en entreprise par exemple.
J’y ai trouvé mon bonheur et sur ma lancée, j’ai tenté le master en santé publique, au sein de l’École où nous nous trouvons actuellement. Durant mon stage, j’ai choisi un secteur que je ne connaissais pas du tout, la sécurité routière. J’ai logiquement postulé aux RYD et j’y ai débuté un stage en février 2015 et après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à y travailler comme coordinatrice en septembre 2015. C’était mon premier emploi et sept ans plus tard, j’y suis toujours. Pour l’anecdote, une actuelle coordinatrice d’OJ a travaillé chez les RYD quelques années avant. Il s’agit de Céline Danhier, actuelle directrice de O’YES !
J&L : Est-ce que tu peux donner trois mots qui te caractérisent ?
L. G. : La persévérance, car lorsque j’ai une idée, je ne la lâche pas. Impulsive aussi. Face à un problème, je ne reste pas les bras croisés, je réagis directement. Et enfin, perfectionniste. Sur certains aspects, je sais que je suis tatillonne. Mais au final, l’association n’a cessé de grandir et notre équipe aussi.
J&L : Est-ce que tu peux nous dire quelque chose que les gens ne savent pas sur toi ?
L. G. : Je suis atteinte d’un Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH). Ce trouble a été une force pour moi, cela me donne beaucoup d’énergie et me permet d’enchaîner les réunions ou les activités. Cela explique que, parfois, je suis sur plein de dossiers et du coup, je suis partout et nulle part. Parfois, j’agis trop vite. Parfois je réponds à un mail alors que j’aurais dû le relire deux fois. Toutefois, il y a des gens dans mon entourage professionnel qui arrivent très bien à me canaliser.
J&L : Est-ce que tu as trouvé le « job » qui te convient aux RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : Oui ! C’est vrai que j’ai un boulot très prenant, mais je ne compte pas les heures. Le travail est hyper varié, il n’y a pas de routine. Moi, j’ai besoin de bouger. Par exemple, je reviens de vacances. Hier, j’étais au bureau. Ce matin, je suis à l’interview. Cet après-midi, je suis à l’anniversaire de l’Institut Vias (l’institut Vias effectue des recherches et développe des connaissances en matière de sécurité routière, NDLR) au cours duquel des ateliers sont prévus. Demain, je suis en animation. Après demain, je suis en télétravail et vendredi, je siège en commission fédérale de la sécurité routière.
J&L : Quelle est l’histoire des RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : Il faut savoir que c’est Monsieur Thierry Moreau de Melen qui a créé la fondation d’utilité publique « Tanguy Moreau de Melen » en 1989, devenue plus tard Responsible Young Drivers, suite au décès de son fils dans un accident de voiture dont les circonstances ne sont pas tout à fait élucidées à l’heure actuelle. Mais cela a encouragé Monsieur Moreau de Melen a lancé un projet très novateur pour l’époque, aujourd’hui devenu assez courant, qui consiste à sensibiliser des jeunes par les jeunes. Il ne voulait plus du tout ce côté « paternel » et d’un discours répressif et moralisateur.
La fondation a très bien fonctionné pendant des années, mais il y a eu la régionalisation de la sécurité routière et il a donc fallu créer des entités régionales. En 2013 sont créés les Responsible Young Drivers Vlaanderen et les RYD Wallonie-Bruxelles en 2014. En 2018, les RYD Wallonie-Bruxelles sont reconnues comme Organisation de Jeunesse par la Fédération Wallonie-Bruxelles grâce à Jeunes & Libres.
J&L : Quelles sont les thématiques sur lesquelles vous travaillez ?
L. G. : De manière générale, tout ce qui touche à la sécurité routière et à la mobilité, de l’alcool au volant à la courtoisie au volant en passant par la vitesse, le port de la ceinture de sécurité, la conduite sous l’influence de stupéfiant, mais aussi l’écomobilité, la mobilité douce ou encore la distraction au volant.
J&L : Quelles sont les valeurs de l’asbl que tu défends ?
L. G. : Le fait que nos activités soient réalisées par des jeunes et pour des jeunes et dans une logique non répressive et non moralisatrice. Je crois que ce sont les trois grands axes qui sont là depuis 1989 et qui nous tiennent à cœur.
Ce qui nous distingue d’autres acteurs qui travaillent sur les mêmes thématiques, peu ou prou, c’est cet aspect ludique et non moralisateur. D’autres utilisent la peur, les témoignages pour sensibiliser. Nous considérons que si le message est trop « agressif », le public, surtout s’il est jeune, voire très jeune, ne capte pas le message. Je précise quand même que nous ne remettons pas en cause le travail d’autres structures. Nous avons choisi d’utiliser une autre méthode, complémentaire, pour atteindre le même objectif : sensibiliser.
J&L : Peux-tu nous présenter un projet coup de cœur ?
L. G. : Il faut savoir que durant mon stage aux RYD Wallonie-Bruxelles, j’avais l’objectif de créer un outil pédagogique sous forme de jeu de société : le Sécu-RYD’é ! Il était uniquement basé sur la sécurité routière, car, à l’époque, c’était l’unique thématique abordée. Seulement, je n’ai pas pu le terminer. Bien des années plus tard, grâce à un appel à projets de la Fédération Wallonie-Bruxelles et avec l’équipe des RYD W-B, nous avons recréé ce jeu et mis à jour avec toutes les thématiques que nous abordons aujourd’hui. Il a finalement vu le jour et est encore, à l’heure où je te parle, mis à jour. C’est mon côté « persévérant » !
Cet outil, qui sera inséré dans nos « malles pédagogiques », pourra être utilisé par n’importe quel acteur de la jeunesse, mouvement de jeunesse ou bien maison de jeunes, pour réaliser des animations en toute autonomie.
J&L : Et une activité coup de cœur ?
L. G. : Je ne peux éviter de parler de notre plus grosse activité, c’est l’une des plus anciennes et la plus connue, le rapatriement du Nouvel An ! Bizarrement, cela va un peu à l’encontre de ce qu’on fait habituellement puisque l’on ramène les gens chez eux. Pendant toute l’année, on leur dit de faire attention et à la fin de l’année, on leur dit d’en profiter, mais en toute sécurité, grâce à nous. Nous sommes connus surtout pour cette action. Cela ne vaut que lors de la nuit du Nouvel An, mais malgré cela, chaque année, je reçois des demandes pour des rapatriements pour des mariages, des anniversaires… (rires, NDLR).
Il s’agit d’une action assez grandiose parce que cela demande une organisation et une logistique, tant sur le plan matériel qu’humain ou en termes de planning grâce à tous nos partenaires, nos volontaires et à toute l’équipe. Nous avons une vingtaine de voitures sur tout le territoire de la FWB et nos collègues des Responsible Young Drivers Vlaanderen font de même en Flandre.
C’est une nuit épuisante pour tout le monde, mais je ne la manquerais pour rien.
J&L : Selon toi, c’est quoi gérer une asbl ?
L. G. : C’est très compliqué comme question, car la réponse peut être vaste… Il faut savoir que je suis rentrée dans la gestion d’asbl directement à la fin de mes études, sans formation, car le contrat de l’ancien directeur prenait fin quelques mois après mon arrivée. J’ai été encadrée au début puis j’ai très vite appris sur le terrain. Depuis lors, j’ai suivi des formations.
Je dirais qu’on apprend au jour le jour. Certaines démarches reviennent régulièrement et nous y sommes habitués. On en découvre d’autres au fur et à mesure. On peut gérer une asbl en état jeune et sans véritable expérience. J’y suis arrivée, en commettant des erreurs, mais aussi en persévérant.
J&L : Quelles sont les différentes casquettes que tu portes en tant que directrice des RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : La plus grosse partie du travail concerne la gestion des ressources humaines, la gestion de mon équipe, mais aussi des volontaires. Il y a aussi la gestion financière, la tenue des comptes, l’encodage des factures et les achats, les salaires, etc.
À cela s’ajoutent la gestion des appels à projets et la recherche de subsides et de sponsors. Il faut aussi rendre des comptes, justifier, auprès des pouvoirs subsidiants, mais aussi des sponsors. Et enfin, j’assure une représentation sectorielle, en matière de sécurité routière auprès des instances fédérales, de Vias, au Conseil Wallon de la Sécurité Routière, et en matière jeunesse, au sein de la Commission Consultative des Organisations de Jeunesse.
J&L : Quelle qualité doit posséder une coordinatrice d’organisation de jeunesse ?
L. G. : Je pense que c’est la disponibilité. Le coordinateur est central au sein de l’association. Dans mon cas, je suis tous les dossiers, je suis la personne de référence au sein des RYD Wallonie-Bruxelles. Les membres de mon équipe me contactent tout le temps, même quand je suis en vacances. Les gens savent qu’ils peuvent compter sur moi, je suis toujours disponible et fiable.
J&L : Comment t’es-tu formée au métier de manager ?
L. G. : J’ai appris sur le tas comme je l’ai dit précédemment. Mais il faut savoir que j’ai été encadrée par mon conseil d’administration à mes débuts, qui a été hyper bienveillant et qui m’a vraiment aidée. Mais aussi encadrée par le directeur actuel des Responsible Young Drivers Vlaanderen ou encore Benjamin, de Jeunes & Libres.
J’ai aussi suivi des formations plus techniques, en gestion des asbl, en gestion de conflit, sur les nouveaux statuts ou encore sur la réforme du code des sociétés. Je n’ai jamais arrêté de me former depuis la fin de mes études.
J&L : Peux-tu présenter la structure des RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : Notre assemblée générale est composée des administrateurs et des responsables de nos trois antennes, qui sont des volontaires. Quant à notre conseil d’administration, il est composé d’anciens volontaires qui apportent une expérience de terrain et de personnalités administratrices d’autres asbl, qui apportent une expertise spécifique de gestionnaires.
Notre staff est composé de travailleurs. En plus de mon poste de coordinatrice, nous avons une secrétaire, trois animateurs de terrain qui s’occupent de la gestion des volontaires, une détachée pédagogique qui forme les nouveaux animateurs et qui créée nos outils pédagogiques et enfin, un infographiste.
Et enfin, il y a nos volontaires, sans qui l’asbl n’existerait pas. Ils sont répartis par antenne. Une couvre la région Liège-Luxembourg, une autre la région Namur-Hainaut et la troisième couvre la région bruxelloise et le brabant wallon. Pour chaque antenne, nous avons un ou deux responsables.
J&L : Quels sont vos rapports avec la fondation Responsible Young Drivers à laquelle vous êtes « attachés » ?
L. G. : La Fondation nous héberge dans ses locaux avec les Responsible Young Drivers Vlaanderen. Elle a encore quelques missions de représentation et détermine quelles sont les missions des asbl qu’elle a créé. Nous sommes dans les faits en totale autonomie par rapport à elle. Elle peut apporter une aide financière quand cela est nécessaire.
J&L : Quels sont les partenaires habituels des RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : La sécurité routière est aujourd’hui régionalisée. Or certains partenaires veulent disposer d’une visibilité au niveau national. Dans ce cas, nous avons la chance d’avoir des liens historiques avec notre pendant flamand. C’est une raison pour laquelle nos premiers partenaires sont les Responsible Young Drivers Vlaanderen. Avec eux, nous menons de temps en temps des activités communes pour un même partenaire. C’est notamment le cas pour de grosses sociétés. De plus, nous échangeons nos outils pédagogiques ou nos pratiques.
Ensuite, nous avons des partenaires institutionnels comme l’Agence Wallonne pour la Sécurité Routière, avec qui nous menons des activités de sensibilisation lors de festivals.
J&L : Vous êtes une de nos OJ qui travaillent le plus avec des acteurs du secteur marchand, des sociétés commerciales ? Comment se passent vos partenariats ou sponsorings ?
L. G. : Il ne faut pas être naïf. Quand une marque nous soutient, cela leur permet de se mettre en avant. Nous faisons leur pub. Nous sommes connus depuis 1989 pour nos activités et dans le domaine de la sécurité routière, nous sommes reconnus. Ne soyons donc pas naïfs quant à l’intérêt de ces sociétés.
Mais nos sponsors actuels ont un « intérêt » autre que de faire du « washing » en faisant la promotion de la conduite responsable, comme une célèbre marque de bières sans alcool. Leur objectif commercial rencontre nos objectifs de sécurité routière.
Par ailleurs, il faut se souvenir que les RYD Wallonie-Bruxelles, avant d’être reconnus en tant qu’OJ, ne disposaient pas de subsides. Il nous a fallu trouver des sources de revenus. Nous n’avions pas le choix. Pourquoi continuons-nous ? Parce que nous n’avons toujours pas le choix. Pour maintenir notre niveau d’activités, nous devons continuer à disposer de ce genre de partenariats, mais nous avons aujourd’hui plus de liberté quant à leur choix et nous ne subissons aucune pression de leur part. Ils s’assurent juste que les activités qu’ils ont soutenues ont bien été réalisées et que les objectifs sont remplis.
De plus, nous constatons que beaucoup de sociétés prennent des initiatives vis-à-vis de leurs salariés quant à la sécurité routière, c’est un sujet qui les intéresse ou inquiète en temps normal.
J&L : Comment se déroule votre travail avec les écoles ?
L. G. : Les écoles nous contactent ou nous contactons des écoles. En Wallonie, cela passe par des appels à projets. Une cinquantaine d’écoles répond favorablement chaque année, mais nous ne pouvons déployer nos activités que dans une vingtaine d’écoles compte tenu de la taille de notre équipe. Nous dispensons une formation théorique consacrée à la sécurité routière, à l’écomobilité et aux mobilités alternatives de deux heures, durant les heures scolaires, pour six groupes de 5e et 6e année secondaire, plus une activité pratique autour, notamment, du crash-test ou de la voiture-tonneau.
Nous avons plus de mal à trouver des écoles en région bruxelloise. Il semblerait que la concurrence en termes de formation des élèves soit plus forte et que le sujet de la sécurité routière soit moins une priorité pour les établissements bien que nous ne nous limitions pas à cette seule thématique.
J&L : Existent-ils des facilités ou des contraintes à travailler avec un public scolaire ?
L. G. : La principale facilité est qu’avec un public scolaire, nous touchons un très grand nombre de jeunes et de manière assez approfondie. Et cela permet de toucher un public qu’on ne toucherait pas d’habitude. Pour eux, cela crée du questionnement et ça les fait réfléchir à des sujets auxquels, étonnamment, ils n’auraient pas pensé comme le permis de conduire.
Ça nous a permis de constater que ceux qui connaissent le mieux ou qui sont les plus sensibles aux enjeux de sécurité routière ou de mobilité ne sont pas nécessairement les personnes qui ont le permis de conduire, mais celles qui sont en train d’apprendre !
J&L : Fais-tu face, au quotidien, à des contraintes ?
L. G. : Ce n’est pas un frein au quotidien, mais la gestion des ressources humaines représente le plus souvent un casse-tête. Ce sont des imprévus à gérer malgré un planning chargé. Le télétravail est venu rajouter une difficulté supplémentaire pour notre structure.
Le recrutement et la fidélisation des employés sont également un défi pour nous. Ce n’est pas toujours facile de concilier nos missions avec des activités à 100% motivantes et enthousiasmantes. Cela demande de beaucoup se réinventer, de se montrer créatif.
J&L : Comment t’assures-tu de l’implication des volontaires dans la vie des RYD Wallonie-Bruxelles ?
L. G. : Comme je l’évoquais pour l’organisation des ressources humaines de l’équipe, la question de l’humain est un défi pour notre structure. L’implication des bénévoles était un défi avant la crise du COVID, elle l’est encore davantage après. On a beaucoup parlé de la santé financière des associations, mais pour moi, c’est le lien qui s’est distendu avec les bénévoles qui a été le coup le plus dur. Beaucoup se sont retrouvés précarisés et ont dû faire des choix.
Une des solutions que nous avons envisagées est le défraiement. Il y aurait certainement davantage de bénévoles, mais est-ce qu’ils auraient vraiment une « âme » de bénévoles ?
Nous allons relancer nos mises au vert, des lieux d’échanges, mais aussi nos formations pour cette nouvelle année académique. Nous travaillons aussi à améliorer les synergies entre l’équipe et les bénévoles, pour que les process soient plus fluides.
J&L : Est-ce que ça fait partie de vos défis à venir ?
L. G. : Oui ! Clairement ! Fidéliser les membres actifs et en attirer de nouveaux ! Une nouvelle équipe s’est mise en place ces derniers mois et l’année académique a débuté, c’est le moment. En outre, nos plus grosses activités ont eu lieu ou vont avoir lieu, telles que la Nuit Européenne Sans Accident au mois d’octobre ou le Rapatriement du Nouvel An.
J&L : Le coordinateur est-il le gardien des engagements décrétaux de l’OJ ?
L. G. : Dans mon cas, très clairement, oui ! C’est moi qui suis la plus impliquée dans le Secteur Jeunesse au sein de notre association, et ce, depuis sept ans et demi. Je suis devenu une référence, même si on doit me rappeler parfois certains points (rires, NDLR). Il y a des choses qui sont devenues naturelles, comme le fait de s’assurer que les bénévoles soient à la base de nos activités.
J&L : Quel est ton horizon de gestion à court, moyen et long terme ?
L. G. : Le long terme, c’est difficile pour moi. J’ai du mal à me projeter si loin. Le plan quadriennal est un travail particulièrement compliqué. En quatre ans, il y a trop de changements au sein d’une OJ.
Nous travaillons plutôt en suivant le rythme des années académiques, qui est celui des écoles, mais également celui de beaucoup d’entreprises, et celui des appels à projets. Je suis plus portée sur un horizon de gestion à court et moyen termes.
J&L : Comment gères-tu le quotidien ? Décris-nous une journée type ?
L. G. : Je n’ai pas de journée type ! Parce que tantôt je suis en action, tantôt je suis au bureau, tantôt je suis en représentation sectorielle, tantôt je suis en télétravail. Elle est néanmoins rythmée par la gestion de mes e-mails en début de journée, par l’organisation du travail. Une fois par semaine, l’équipe se réunit pour parler des activités et projets.
J&L : Quel est ton rapport avec ta fédération, Jeunes & Libres ?
L. G. : Je pense qu’il y a deux facettes dans nos rapports. Il y a la facette où nous, OJ, avons besoin de vous, et celle où vous avez besoin de nous. Dans notre sens, nous avons besoin de vous pour tout ce qui est dossier, nous mettre en lien, par exemple, avec la FEL ou pour relire les dossiers de subsides, nous aider pour les démarches administratives, pour les visuels, pour les formations, etc. C’est un soutien non négligeable pour nous.
Dans votre sens, vous avez besoin de nous dans la mesure où l’on fait partie de votre conseil d’administration et de votre assemblée générale, pour impulser une direction qui est guidée par nos attentes collectives, nous, associations fédérées.
Propos recueillis par Adrien Pauly
« Développer l’esprit critique et des valeurs solidaires est primordial. »
Audrey est la coordinatrice de Délipro Jeunesse depuis plusieurs années maintenant. Arrivée au moment du nouveau Décret, l’Organisation de Jeunesse n’a cessé de croitre depuis son arrivée au sein de la structure. Ce matin, elle nous donne rendez-vous dans les locaux de Délipro Jeunesse, là où tout a commencé pour elle …
J&L : Pourquoi se retrouve-t-on dans les bureaux de Délipro Jeunesse ce matin ?
Audrey Mercier : Pour cette interview, tu voulais que nous nous retrouvions dans un lieu qui fait sens pour moi. Je t’ai donc donné rendez-vous dans nos bureaux, car c’est notre lieu de vie principal, le centre névralgique de toutes nos réflexions, l’endroit où l’on échange et où l’on crée.
J&L : Peux-tu me dire, en quelques mots, qui tu es ?
A.M. : Je suis la coordinatrice de Délipro Jeunesse. Mes enfants disent de moi que je suis toujours positive et souriante, que je suis patiente et aimante, travailleuse et déterminée. Ils disent aussi que je suis un poil trop exigeante avec moi et avec les autres, que je boude parfois, que je suis un peu susceptible… Je ne sais pas s’ils sont tout à fait objectifs, mais en tous cas, je mets toutes les facettes de ma personnalité au service de Délipro Jeunesse depuis près de 15 ans.
J&L : Peux-tu me parler de tes parcours scolaire et professionnel ?
A.M. : J’ai un parcours scolaire assez classique. Après mes études secondaires, j’hésitais à me diriger vers des études scientifiques ou littéraires, deux matières diamétralement opposées. Finalement, mon choix s’est porté sur des études en langues et littérature romanes que j’ai terminées à Louvain-la-Neuve. Ensuite, j’ai fait une spécialisation en édition, car je souhaitais travailler dans un autre domaine que l’enseignement même si en parallèle, j’ai fait l’agrégation. En même temps que mon travail de stagiaire dans une maison d’édition, j’ai pris un intérim dans l’enseignement. Finalement, j’ai enseigné le latin pendant plus de 10 ans et même si je ne m’y destinais pas vraiment, j’ai adoré mon métier d’enseignante. Puis, l’opportunité de travailler chez Délipro Jeunesse s’est présentée. J’aime le changement et les nouveaux défis. Je l’ai saisie !
J&L : Justement, comment es-tu devenue coordinatrice de Délipro Jeunesse ?
A.M. : Je suis arrivée dans l’association en 2009, au moment de la mise en œuvre du nouveau Décret OJ. J’étais détachée pédagogique. J’avais pour mission de créer de nouveaux projets avec les jeunes pour que les activités de l’association répondent correctement aux nouvelles exigences décrétales. J’ai très vite aimé la liberté dont nous disposions pour créer de nouvelles choses et interagir avec les jeunes. Je me suis donc beaucoup investie pour faire évoluer Délipro Jeunesse tant en matière d’activités, par exemple en obtenant une reconnaissance en éducation aux médias, qu’en matière de développement de l’équipe. Quelques temps après, la coordinatrice qui était en poste à l’époque a pris sa retraite et je l’ai remplacée.
J&L : Quels sont tes rapports avec l’équipe de Délipro Jeunesse ?
A.M. : Ma mission principale en tant que coordinatrice est de fédérer mon équipe pour que mes collaborateurs travaillent efficacement ensemble autour de nos différents projets. Mon job, c’est donc de parvenir à mobiliser les forces, tirer parti des qualités de chacun, manager le travail d’équipe et veiller à ce que nos projets remplissent bien les missions d’une OJ.
Mais, au-delà de ça, je pense que pour co-construire des projets qui font sens, pour faire évoluer notre association, il faut bien sûr que les échanges soient dynamiques et productifs, mais aussi vrais et spontanés. J’accorde donc beaucoup d’importance aux moments de vie partagés, car ils sont à mes yeux le ciment d’une équipe motivée et soudée.
J&L : Quelle est la qualité principale d’une bonne coordinatrice d’OJ ?
A.M. : Être à l’écoute est à mon sens la qualité principale qu’il faut développer en tant que coordinateur d’une Organisation de Jeunesse, car on ne peut pas prendre de bonnes décisions sans être correctement informé. Par ailleurs, je pense aussi qu’un coordinateur doit être juste vis-à-vis de chacun de ses collaborateurs, mais aussi vis-à-vis de l’ensemble de son équipe.
Si je suis parvenue à accorder une oreille attentive à chacun tout en prenant des décisions équitables pour l’ensemble, ma journée est réussie.
J&L : Peux-tu nous parler des relations que tu entretiens avec les autres OJ membres de Jeunes & Libres ?
A.M. : Nous travaillons régulièrement avec l’ASBL ReForm qui rejoint le profil de Délipro Jeunesse. Nous avons des publics assez similaires et des objectifs communs. Depuis quelques années, il nous arrive donc souvent d’intervenir sur leurs projets ou d’en construire de nouveaux ensemble. C’est très enrichissant. En 2021, nous avons par exemple travaillé ensemble pour lutter contre le harcèlement scolaire avec le projet « A fleur de maux ».
J’ai aussi de bons rapports avec les coordinateurs des autres OJ, mais, comme nous ne travaillons pas sur les mêmes thématiques et avec les mêmes publics, les collaborations sont plus compliquées à mettre en place. Je le regrette parfois, car je pense que nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres.
J&L : Quel est le rôle de Délipro Jeunesse en tant qu’Organisation de Jeunesse ?
A.M. : En tant qu’OJ, notre rôle est bien sûr d’aider les jeunes à devenir de CRACS. Chez Délipro Jeunesse, on remplit cette mission en favorisant les rencontres avec les jeunes, le vivre ensemble, l’expérimentation ou encore l’expression créative. Pour cela, nous proposons par exemple des modules pédagogiques durant lesquels les animations se construisent autour des besoins et des idées des jeunes. Nous proposons aussi des stages créatifs et médias. Nous construisons des outils pédagogiques à destination des jeunes. Nous travaillons également autour des créations artistiques de jeunes comme avec le projet « jeunes talents ».
Les projets sont tellement nombreux que je ne peux pas tous les citer, mais ils s’articulent tous autour de l’éducation aux médias et à la citoyenneté.
J&L : Comment gères-tu le quotidien ? Décris-moi une journée type dans la peau d’Audrey, coordinatrice de Délipro Jeunesse.
A.M. : Il n’y a pas de journées types dans une Organisation de Jeunesse ! Pour aborder les défis quotidiens sans cesse renouvelés, je fais une « to do list » chaque matin avant de quitter la maison. Lorsque j’arrive au bureau, j’ai déjà fait le tri dans mes priorités, répondu aux mails urgents et téléphoné aux personnes que je devais contacter. Je peux donc répondre directement aux demandes de mon équipe. Le reste, c’est de l’impro maitrisée en fonction des missions du jour.
J&L : Quels sont les défis à venir pour Délipro Jeunesse ?
A.M. : Le défi majeur pour les années à venir est de développer encore davantage l’axe média de notre association. Depuis 2017, nous avons en effet vu reconnaitre la qualité et la spécificité de notre travail en obtenant un dispositif particulier en éducation aux médias. Depuis, nous ne cessons de constater à quel point il est important que les jeunes puissent utiliser les médias de manière active, critique et créative. La vidéo étant leur support de prédilection pour s’informer et s’exprimer, c’est dans ce domaine que nous allons nous investir.
Nous souhaitons également renforcer encore davantage nos activités pour lutter contre le harcèlement scolaire. Cette thématique fait partie des préoccupations des jeunes et c’est une demande qui revient très souvent entre novembre et mars dans les écoles. Nous essayons d’agir de manière préventive pour minimiser les dégâts.
Nous voulons également nous investir dans de tout nouveaux projets comme une initiative pilote pour créer un média d’échanges numériques vivant et actif qui permettrait aux jeunes patients hospitalisés de partager leurs expériences au sein de l’hôpital, mais aussi aux futurs enfants hospitalisés de dédramatiser et/ou de se rassurer quant à leur séjour. Ce projet est très ambitieux et très lourd à porter. Il faudra donc commencer par former l’équipe pour outiller les animateurs.
J&L : Quel est votre fonctionnement en interne ?
A.M. : J’impose rarement des projets, voire jamais. De manière générale, c’est l’équipe qui construit l’activité de l’asbl. Pour construire notre programme annuel, nous organisons plusieurs réunions par an.
À ces occasions, les membres de l’équipe qui ont envie de porter et développer des projets mettent ceux-ci sur la table et les présentent aux autres. S’ils s’inscrivent dans nos missions et visent nos objectifs, nous les inscrivons d’un commun accord dans notre plan d’action.
J&L : Quel est ton rôle en tant que coordinatrice de Délipro Jeunesse ?
A.M. : Mon rôle c’est de faire en sorte que mes animateurs arrivent là où ils souhaitent arriver dans la mise en œuvre de leurs projets. Ils ont énormément d’idées et ils sont pleins de ressources, mais ils manquent parfois de structures. Mon job, c’est de les guider en fonction de leurs besoins. Lorsqu’ils rencontrent une difficulté pédagogique ou administrative, je les aiguille pour que leurs projets puissent se concrétiser. L’idée n’est pas de les diriger, mais plutôt de les accompagner dans tous les aspects que cela implique.
J&L : Quelles sont les contraintes auxquelles tu fais face au quotidien ?
A.M. : La gestion des ressources humaines est une réelle contrainte. On gère tellement de projets que l’équipe est toujours trop petite pour faire face à la quantité de travail. Malheureusement, la situation actuelle fait qu’il n’est plus possible d’agrandir l’équipe pour le moment. C’est un réel frein.
J&L : En tant que coordinatrice, es-tu la gardienne des engagements décrétaux de l’asbl ?
A.M. : Oui, c’est tout à fait mon rôle. Je dois veiller à ce que tous les aspects des projets que nous mettons en œuvre respectent les directives du décret OJ. Cela fait partie de mon job. Je dois garder une vue d’ensemble sur chaque projet et aiguiller mes animateurs pour que les activités qu’ils imaginent leur permettent toujours de remplir nos missions.
J&L : Peux-tu me parler d’une activité coup de cœur depuis que tu travailles chez Délipro Jeunesse ?
A.M. : Des activités « coup de cœur », j’en ai plein. Difficile de choisir. J’ai cependant envie de parler du projet « The Artisan Jump » que nous avons mis en place juste avant la crise du Covid. Il visait à valoriser l’esprit d’entreprendre chez les jeunes et je trouve que c’est particulièrement important à l’heure actuelle.
Le projet mobilisait de jeunes artisans. Il s’est étendu sur toute une année et il a vu son couronnement dans l’organisation d’un marché sur le site du Bois du Casier à Charleroi. Toute l’équipe y a participé. Cela a permis d’échanger ensemble et de découvrir des aspects des uns et des autres qu’on ne connaissait pas. Une belle manière de souder une équipe, car les retours sur leur travail ont été très positifs. Ce succès nous a également ouvert des portes pour la mise en œuvre de nouveaux partenariats.
J&L : Peux-tu m’en dire un peu plus sur votre projet Jeunes Talents ?
A.M. : Avec le projet Jeunes Talents, l’idée est de mettre à l’honneur les talents artistiques des jeunes en leur laissant la liberté de s’exprimer de manière réflexive et créative à travers leur art. Nous voulons également leur apprendre à promouvoir eux-mêmes leurs talents pour pouvoir le partager avec les autres et s’enrichir de celui des autres.
Ce qui est très prenant avec ce projet c’est que nous changeons de domaine d’activité à chaque fois. Nous avons par exemple mis en scène des stylistes, exposé des photographes ou organisé un concert. Cette année, c’est la danse qui est mise à l’honneur.
Il y a trois ans, nous avions par exemple organisé une rencontre autour de la musique. Cela aurait été très facile de se dire qu’on recommençait la même chose l’année d’après puisque les bases étaient posées, mais l’idée étant de s’ouvrir à tous les horizons, nous avons décidé, cette année, de travailler le domaine de la danse. En nous ouvrant à chaque fois à de nouveaux horizons artistiques, nous redémarrons toujours à zéro. Chaque domaine étant vraiment spécifique, nous recherchons de nouveaux partenaires, de nouvelles manières de communiquer, d’autres leviers à activer. C’est parfois un peu lourd, mais c’est surtout une expérience extrêmement enrichissante, car nous faisons à chaque fois de nouvelles rencontres qui nous apportent une autre vision du travail et du contact avec les jeunes.
J&L : Quelles sont les valeurs libérales que promeut Délipro Jeunesse ?
A.M. : Nous défendons la liberté, l’autonomie et le goût d’entreprendre. Pour Délipro Jeunesse, développer l’esprit critique et des valeurs solidaires est primordial. Nous essayons d’encourager les jeunes à développer leur potentiel créatif, car ils sont plus riches que ce qu’ils pensent.
Les jeunes d’aujourd’hui manquent de confiance en eux et ne se rendent pas compte de ce dont ils sont capables. Nous sommes là pour leur montrer qu’ils ont du talent et que s’ils vont le chercher à l’intérieur d’eux-mêmes, ce sera toujours bénéfique. Ce sont toutes ces valeurs que nous défendons chez Délipro Jeunesse.
J&L : Quel est ton rapport avec la Fédération, Jeunes & Libres ?
A.M. : J’ai de très bons rapports avec la Fédération. De manière globale, elle répond à nos demandes. Lorsqu’on gère des petites structures, comme c’est le cas pour Délipro Jeunesse, on n’a pas toujours tous les outils administratifs en mains pour avancer et la fédération nous aide efficacement dans nos démarches. Elle s’adapte pour répondre de manière adéquate à nos besoins et apporte son soutien régulièrement. C’est un réel plus dans notre quotidien et on la remercie pour ça.
J&L : Quel est ton horizon de gestion ?
A.M. : Ces derniers temps, nous avons travaillé à court et moyen termes, car l’avenir était rempli d’incertitudes. Aujourd’hui, on souffle un peu et, enfin, on se (re)projette.
Mon objectif premier, à court terme, est que nous nous installions dans nos nouveaux bureaux à Gozée. Après de longs mois de travaux, cela devrait se faire dans les prochains mois. Nous sommes impatients, car nous allons rentrer dans un bâtiment modulable et accueillant qui permettra à l’association d’optimaliser l’accueil des jeunes tout en nous dotant d’une infrastructure permettant à ses collaborateurs de travailler dans des conditions propices à l’échange et au partage des idées.
Une fois que nous serons installés, je souhaiterais que Délipro Jeunesse développe davantage ses activités en Province de Namur et dans le Brabant Wallon. C’est une obligation du décret bien sûr, mais cela va aussi nous pousser à nous remettre en question en matière de communication externe. C’est un réel défi !
J&L : Justement, quels défis demande la construction d’un bâtiment ?
A.M. : La construction d’un bâtiment réserve son lot de surprises. Cela demande beaucoup de temps et de patience. Avec les indépendants qui interviennent sur le chantier, les week-ends et les soirées n’existent plus. Il faut se rendre disponible tout le temps. Cela nous a demandé également de l’ingéniosité parce que nous nous sommes retrouvés confrontés à l’augmentation écrasante des budgets post-covid. Il a fallu réfléchir à des solutions pratiques pour que tout rentre dans le budget initial. Mais, ce projet n’en reste pas moins une belle aventure surtout lorsque l’on entrevoit toutes les opportunités que cette nouvelle structure va nous offrir.
J&L : Quel est l’impact de la réforme des rythmes scolaires sur l’association ?
A.M. : L’organisation de nos stages va considérablement changer. Nous organisions environ six stages par été et le raccourcissement des vacances remet en question toute notre organisation. Pour maintenir le rythme, nous allons devoir remplacer certains stages d’été par des stages en automne ou en hiver. En termes de nombre, ça revient au même à cette différence près qu’en juillet ou en aout, on peut profiter de l’extérieur, s’ouvrir à la nature, respirer le grand air… Autant d’activités nécessaires à l’équilibre des enfants et que bon nombre d’entre eux n’ont pas l’occasion de faire en dehors de ces périodes de stages.
J&L : un mot pour conclure…
A.M. : Etre coordinatrice reste un défi permanent, mais la dynamique au sein de mon équipe et la richesse des projets nous donnent sans cesse l’envie de continuer et d’avancer pour faire évoluer notre association. Les rencontres enrichissantes que j’ai pu faire grâce aux différents projets mis en place ces dernières années me donnent toujours l’envie de relever de nouveaux défis.
Propos recueillis par Aurélie Provost
Formation au Secteur Jeunesse
Retour en images sur la formation “Découvrir le Secteur Jeunesse” à destination des nouveaux travailleurs de nos OJ.
Aurélie, notre détachée pédagogique, nous explique de quelle manière elle aborde cette formation parfois très théorique.
« Rendre au libéralisme ses lettres de noblesse. »
Lorsque l’on a demandé à Louis, le coordinateur et secrétaire général de la Fédération des Étudiants libéraux où l’on réaliserait l’interview, on pensait partir pour la statue de Théodore Verhaegen près de l’ULB. Son choix se porta sur la place de la Liberté, à Bruxelles, et plus précisément au « Titanic », restaurant-café, métaphore désignant, hélas, selon lui, la situation de détresse de certaines institutions, certains partis et courants de pensée en Belgique.
Jeunes & Libres : Quels ont été tes parcours scolaire et professionnel avant d’intégrer le staff de la Fédération des Étudiants Libéraux ?
Louis Mareschal : Après avoir hésité entre le droit et la philosophie, je me suis lancé dans un bachelier en droit à l’Université de Namur suivi d’un master en droit à l’Université libre de Bruxelles. En étudiant le droit, j’ai envisagé sérieusement la carrière d’avocat, mais après un stage d’observation dans le milieu du droit pénal, je me suis rendu compte que cela n’était pas fait, à l’heure actuelle, pour moi. Certains aspects « éthiques » et « moraux » dont je n’avais pas pris compte, sont apparus contraires à mes convictions. À titre personnel, je considère que tout le monde a le droit d’être défendu en justice, mais il y a une étape supplémentaire à défendre soi-même des personnes responsables de faits immoraux. Il y a le noble principe et il y a la mise en application de ce dernier.
Je me suis dès lors mis à rechercher un emploi et c’est à ce moment-là qu’une amie m’a envoyé l’offre d’emploi pour le poste de coordinateur et secrétaire général de la Fédération des Étudiants Libéraux. Je connaissais la FEL, entre autres, grâce à mon ami Adrien Pironnet, qui en a été son président. Par ailleurs, j’ai rédigé quelques articles pour leur magazine, le Blue Line, tout en n’étant pas membre de la fédération. De par ce fait, j’avais déjà rencontré Coralie, notre détachée pédagogique et j’avais déjà assisté à quelques conférences assez intéressantes. Postuler le poste de coordinateur m’a paru évident et depuis le mois de novembre 2021, je l’occupe.
J&L : Peux-tu donner trois mots qui te caractérisent ?
L. M. : Intègre car j’ai des principes moraux sur lesquels je ne transige pas. Responsable, car j’ai des devoirs, comme citoyen et au sein de la FEL. Et enfin curieux, car mon grand-père m’a appris à ne jamais me coucher sans avoir appris quelque chose durant la journée et à être toujours attentif, aux aguets.
J&L : Pourquoi avoir choisi la Place de la Liberté pour cette interview ?
L. M. : Parce que nous sommes une OJ libérale, tout simplement. Quant au « Titanic », le nom colle bien à la situation de détresse de certaines institutions, certains partis et courants de pensée en Belgique. Mais ce n’est pas une situation rédhibitoire, dramatique ou désespérée. Il faut continuer à rester optimiste, à opérer les bons choix orientés selon la raison et à aller de l’avant.
J&L : L’Université libre de Bruxelles n’aurait-elle pas été un lieu plus symbolique ?
L. M. : L’ULB a symbolisé la grande tradition libérale en Belgique avec des figures comme Janson, Choquier, Defacqz, etc. Bien que je sois coordinateur de la FEL, je ne suis plus étudiant et de plus, je trouve que l’ULB, aujourd’hui, est trop « timide » à défendre les valeurs de liberté. Comme la liberté de conscience et la liberté d’expression, en dehors de tout dogme et qui reposent sur le libre examen.
J&L : Un libéralisme qui n’a plus vraiment la cote aujourd’hui sur les campus…
L. M. : Parce qu’il y a une assimilation faussement entretenue par un certain nombre de personnalités et d’organisations entre libéralisme et capitalisme. D’ailleurs, avec des étudiants, nous nous sommes mis pour objectif durant l’année académique qui arrive de faire vraiment tout un travail de déconstruction de cette idée reçue. Le capitalisme n’est pas le libéralisme !
J&L : Quelle est l’histoire de la Fédération des Étudiants Libéraux ?
L. M. : La FEL, en tant que telle, existe depuis 1974. Elle est née au sein du PLP, le Parti de la Liberté et du Progrès, parti libéral francophone d’alors. Il s’agissait déjà d’une organisation indépendante du parti, composée uniquement d’étudiants se revendiquant du libéralisme. C’est ce qui nous distingue d’une OJ purement politique, comme les Jeunes MR. Ils ont, de ce fait, un lien plus étroit que nous avec le parti, bien qu’ils soient tout aussi indépendants de lui que nous le sommes. Nous nous exprimons sur tous les sujets en rapport avec l’enseignement supérieur et la vie des étudiants. Récemment, nous nous sommes mobilisés autour des questions des numéros INAMI et de la réforme du Décret Paysage. Nous sommes une OJ par et pour les étudiants.
J&L : Vous pourriez prendre une position à 180° de celle du Mouvement Réformateur ?
L. M. : Dans l’état actuel des choses, non. Il n’y a pas encore eu, à ma connaissance, récemment, de dossiers où on est parti aux antipodes de celle du parti. Mais selon notre vision de l’OJ et de son indépendance, oui, c’est tout à fait possible. C’est-à-dire que si un jour, un ou une ministre ou le parti venait à se positionner contre nos valeurs, nous n’aurions aucun scrupule à dire pourquoi cela nous gêne et à réaffirmer notre position, quand bien même elle ne plairait pas. C’est sur cette indépendance que nous insistons avec les étudiants, tout en revendiquant notre sympathie pour le parti. Des anciens dirigeants de la FEL ont réalisé de belles carrières au sein de ce dernier.
J&L : Tu as déjà indiqué l’enseignement supérieur et la vie des étudiants comme thématiques de la FEL. Y en a-t-il d’autres ?
L. M. : Nous sommes aussi préoccupés par les questions liées au travail, tels que les jobs étudiants, les stages rémunérés ou encore la façon de conjuguer travail et études. La question des kots figure parmi nos thématiques tout comme les trajets du domicile jusqu’au campus au même titre que la question de l’abus d’alcool. Bref, la vie des étudiants dans sa globalité.
J&L : Quelles sont les valeurs de la FEL que tu défends ?
L. M. : J’ai évoqué tout à l’heure la liberté de conscience et la liberté d’expression, mais il y a également l’individualisme, non pas au sens d’égoïsme, mais au sens de se préoccuper de l’Humain. C’est plus un humanisme. L’individu est une subjectivité au sein d’une collectivité. Ce n’est pas le collectif avant l’individu, c’est l’individu et le collectif.
J&L : Peux-tu nous présenter un projet qui t’a marqué depuis que tu es coordinateur et ce que tu as pu en retirer ?
L. M. : La revue Blue Line. Notre staff s’investit beaucoup, aux côtés des étudiants, pour réaliser ce projet quatre fois par an. Je suis très attaché à le préserver et à tout mettre en œuvre pour garantir la pérennité de de ce projet parce qu’il répond à énormément de valeurs du libéralisme, en premier lieu celle de liberté d’expression. Au travers d’un dossier central qui change à chaque numéro et à des cartes blanches, nous permettons aux étudiants d’écrire, de donner leur opinion et c’est un exercice qui n’est pas si simple. Il n’existe malheureusement pas tant d’endroits d’expression que cela.
Et pour parfaire ce travail, nous insistons sur l’approche académique, la rigueur, qui sont une charpente nécessaire pour que cette revue ne devienne pas n’importe quoi. Écrire est à la fois simple et compliqué, dans le sens où je peux prendre mon compte Facebook ou Twitter et commencer à déblatérer toutes sortes de bêtises. Notre magazine offre cet espace de qualité et notre équipe offre un accompagnement dans l’écriture grâce à l’excellent travail de Coralie, notre détachée pédagogique, qui constate régulièrement une amélioration de la qualité du travail de nos rédacteurs. Il y a donc un aspect pédagogique dans ce projet de Blue Line que j’apprécie beaucoup.
J&L : Quel serait l’objectif « fou » que tu voudrais atteindre avec la FEL ?
L. M. : Rendre au libéralisme ses lettres de noblesse et qu’il retrouve une place « respectable » au sein du débat politique. C’est une des missions de la FEL.
J&L : Qu’est-ce que c’est, pour toi, gérer une asbl ?
L. M. : Depuis quelques années et la réforme du code de société, les asbl sont devenues comme des sociétés. Cela fonctionne de la même manière, sur le plan comptable, sur le plan des organes de gestion, etc. C’est véritablement une société, si ce n’est dans l’objet social qui demeure sans but lucratif. C’est pourquoi elles vivent des revenus de leurs activités, de dons privés ou de subsides publics. Cette dernière façon de se financer est celle de la FEL.
Dans ce cas, il y a un impératif moral à agir en homme raisonnable, avec prudence et précaution et toujours selon l’objet social de l’asbl. C’est en quelque sorte mon rôle en tant que secrétaire général, qui fait de moi un membre du staff et un administrateur. C’est une particularité de notre asbl : le secrétaire général est administrateur, mais aussi le premier permanent, donc employé. Les autres administrateurs sont des bénévoles.
De ce fait, une plus grande responsabilité pèse sur mes épaules. Je suis parfois amené, lors de discussions entre administrateurs, à recentrer le débat ou les activités sur notre objet social et dans le respect du décret Organisation de Jeunesse.
J&L : Quelle est la qualité principale pour être coordinateur d’une association ?
L. M. : Le dévouement à l’égard de l’association et de son conseil d’administration. Il faut parfois savoir mettre ses principes personnels de côté au profit de l’association sur certaines questions. Je n’appelle pas à faire fi de tous ses principes, mais en n’agissant pas de la même manière que si c’était en notre nom propre.
J&L : Comment t’es-tu formé au métier de manager ?
L. M. : Une petite expérience dans ma vie étudiante m’a beaucoup aidé. En troisième année de bachelier, j’étais président de la revue de droit et je gérais une équipe d’une quinzaine d’étudiants, les conflits et divergences d’opinion. Aujourd’hui, je suis dans un véritable environnement professionnel avec des travailleurs, mais dans l’esprit, nous pouvons retrouver des points communs : un objectif à atteindre, ne jamais réfléchir pour soi, mais selon cet objectif et aux méthodes pour y parvenir.
J&L : Peux-tu présenter la structure de la FEL ?
L. M. : La principale figure de notre fédération, c’est le président, qui est actuellement Ömer Candan. Il gère tant le conseil d’administration que le bureau politique, que l’image publique de la FEL, étant sa « figure de proue ». Le secrétaire général travaille en très étroite collaboration avec lui, c’est-à-dire que l’on communique tous les jours sur les avancées administratives, la stratégie politique, les campagnes, sur le staff. Il est l’autre administrateur, avec le secrétaire général, au cœur de la structure administrative.
Il est secondé par deux vice-présidents, membres du conseil d’administration, mais moins impliqués dans la vie administrative de notre association, mais plus dans l’objet social. Le trésorier s’occupe des questions financières et m’accompagne dans toute une série de ces tâches. Et enfin, un secrétaire administratif complète le conseil d’administration. Pour résumer, le conseil d’administration gère exclusivement les questions d’ordre administratives, financières et de ressources humaines. Il ne se réunit que quatre ou cinq fois maximum par an. Le bureau politique est davantage tourné vers notre objet social et est ouvert à plus de membres de la FEL. Il est composé des présidents et secrétaires politiques de chaque section, du secrétaire politique national, du staff ainsi que tout le conseil d’administration et se réunit tous les mois. Le bureau politique coopte ses délégués aux relations internationales qui vont représenter la FEL aux congrès du European Liberal Youth (LYMEC) et de l’International Federation of Liberal Youth (IFLRY). Nous y discutons également des prochains numéros du Blue Line, des actions à mener sur les réseaux sociaux et les campus. C’est le « forum » politique de la FEL.
L’assemblée générale de la FEL se réunit deux fois par an, une fois pour approuver les comptes et l’autre fois pour désigner le conseil d’administration. Voici toute la structure nationale de la FEL, qui est une fédération. Ses membres sont les sept sections de l’ULB, de l’ULiège, de l’UMons, de l’UCL, de l’Université Saint-Louis, de l’Institut Catholique des Hautes Études Commerciales et de l’Université de Namur. Chaque section dispose d’un bureau politique, à l’image du bureau national, et est indépendante. Elles organisent leurs activités que nous soutenons financièrement et logistiquement.
J&L : De combien de personnes as-tu la responsabilité ? Peux-tu nous dresser leurs portraits ?
L. M. : J’ai déjà cité Coralie, notre détachée pédagogique qui est en charge de tout l’aspect communication écrite de notre fédération, sur papier et en version digitale. Elle organise et anime un certain nombre d’activités, comme la « journée des présidents de section » ou notre mise au vert. Il y a également Daphné, notre chargée de communication et infographiste qui est en charge de notre site et de nos visuels et de ceux de nos sections.
J&L : Quels sont les bénéfices à être reconnu comme OJ ? pourquoi ne pas se faire également reconnaître comme Organisation Représentative au niveau Communautaire (ORC), pour devenir une sorte de syndicat étudiant ?
L. M. : C’est un vieux débat au sein de la FEL. En tant qu’ORC, nous pourrions gagner davantage en légitimité en tant que représentants des étudiants et obtenir beaucoup plus de subsides, d’autant plus qu’il n’existe plus qu’une seule ORC en FWB, la Fédération des Étudiants Francophones (FEF).
Or, ça n’est pas en adéquation avec notre objet social actuel. Si nous devenions une ORC, nous devrions être en mesure de représenter TOUS les étudiants et cela est difficile de promouvoir les valeurs du libéralisme tout en se réclamant d’être le représentant de tous les étudiants. C’est le problème de la FEF, qui est avant tout le porte-voix d’une minorité d’activistes aux objectifs très éloignés de ceux de la majorité des étudiants.
Notre agrément OJ nous permet déjà de réaliser nos objectifs et d’assurer une légitimité institutionnelle. Cela nous suffit pour le moment.
J&L : Quelle est la plus grosse contrainte à laquelle tu fais face au quotidien ?
L. M. : Militer dans un environnement dominé par la gauche. À tout bout de champ, quand on sort un projet, nous sommes attaqués par la gauche… je dirais même sa frange radicale. Nous avons dû avorter un projet de sensibilisation des autorités à propos de leurs inactions à l’égard des agressions sexuelles sur les campus. Nous avions utilisé l’ironie dans notre communication, mais force est de constater que tout le monde n’a pas eu le niveau suffisant pour la comprendre. Nous vivons dans une époque où il est impossible de faire preuve de réflexion à cet égard du simple fait que nous sommes libéraux.
J&L : Qu’en est-il de la mobilisation de vos membres ?
L. M. : On peut ressentir une certaine difficulté à les mobiliser, mais cela est très inégal selon nos sections. Nous en avons certaines qui fonctionnent extrêmement bien, qui sont presque autonomes, avec beaucoup de membres. Et dans d’autres sections, il n’y a pas beaucoup de membres et c’est plus difficile de réaliser certaines activités.
Mais nous restons optimistes. Récemment, une section, qui n’était plus très active depuis deux ans, a redémarré grâce à une nouvelle équipe dirigeante. Je m’en réjouis vraiment. Le président est en 2e année, il a mis en place tout un nouveau bureau politique, il a recruté énormément de membres et il a vraiment, à lui seul, réanimé une section.
Quand un nouveau membre rejoint la FEL, il reçoit une newsletter qui lui présente la FEL. Le staff n’intervient pas directement auprès de lui, c’est la section à laquelle il est rattaché qui s’en charge. Quand un membre occupe un nouveau poste à responsabilité, par exemple un président de section ou un secrétaire politique, je lui envoie moi-même un petit mail sur mesure en fonction de l’étudiant et dans quelle section il se trouve. Je lui rappelle que moi-même et le staff sommes là pour répondre à toutes ses questions, ses interrogations, qu’il est responsable d’un cercle étudiant et qu’il agit pour lui. C’est une chance en quelque sorte. Il bénéficie d’un réseau, d’un horizon, d’un auditoire de personnes attirées par l’attention qu’il suscite.
J&L : Comment organises-tu ton management à court, moyen et long terme ?
L. M. : Pour le court terme, nous faisons une réunion d’équipe toutes les semaines. Pour le moyen terme, nous recevons le planning des activités et projets de nos sections et nous planifions le soutien. Pour le long terme, ce n’est plus vraiment dans nos habitudes, hormis de suivre le plan quadriennal. L’air du temps n’est plus trop aux campagnes thématiques, qui s’étalaient sur toute une année académique. Nous faisons plutôt des « mini campagnes ». La dernière traitait d’ailleurs du phénomène des piqures dans les événements festifs.
J&L : Comment s’assurer une stabilité dans les projets lorsque l’équipe dirigeante change, en partie ou en totalité, tous les ans ?
L. M. : En s’assurant que les personnes qui intègrent nos organes décisionnels ne sortent pas de « nulle part », mais soient des personnes avec un minimum d’expérience au sein de la FEL et qui ont suivi les projets à moyen terme. L’avantage est l’apport constant d’innovation dans ces organes. L’innovation est une bonne chose.
J&L : Comment permets-tu à des jeunes de jouer pleinement et consciencieusement leur rôle de gestionnaire, alors qu’ils n’ont souvent aucune expérience professionnelle ou de vie ?
L. M. : D’une part, je suis jeune, je n’ai que 24 ans et donc, j’essaie de rester « cool » avec les étudiants, de passer de bons moments avec eux et de m’amuser. Ça doit être un plaisir pour eux de participer à la vie de la FEL. D’autre part, je sais rester « formel » dans la façon dont je m’adresse à eux. Par exemple, dans mes e-mails, je suis très protocolaire.
Par ailleurs, grâce à Jeunes & Libres, nos administrateurs bénéficient d’une formation sur leurs devoirs inhérents à cette fonction.
Et enfin, le président actuel est déjà actif dans la vie professionnelle en étant étudiant et entrepreneur et est tout à fait conscient des réalités de la vie d’une association.
J&L : quels sont les défis à venir au sein de votre OJ ?
L. M. : Montrer aux étudiants que nous, les étudiants libéraux, ne sommes pas capitalistes. Nous ne sommes pas du tout à l’image des préjugés dont on nous affuble. Nous ne sommes pas simplement une alternative à la gauche ambiante sur le campus, mais nous avons notre propre ligne politique, notre façon de concevoir l’enseignement supérieur et la société en général pour les étudiants, qu’ils sont toutes et tous les bienvenus. Et nous espérons voir de plus en plus d’étudiants qui organisent de plus en plus d’événements.
J&L : Est-ce que, selon toi, le coordinateur est le gardien des engagements décrétaux de l’OJ ?
L. M. : Oui, bien entendu. Je vais prendre un aspect très important : notre volume d’activités. Nos membres n’en ont pas conscience, mais je surveille que le volume minimal soit atteint. Rien qu’en cela, je suis gardien des engagements décrétaux. De manière générale, je dois connaître le décret OJ, savoir pourquoi nous existons en tant que telle, pourquoi on nous finance et respecter cela.
J&L : Comment est-ce que tu gères le quotidien ? Présente-nous une journée type ?
L. M. : Il n’y a pas de journée type ! Toutefois, la plupart de mes journées commencent par la consultation de mes e-mails et des réseaux sociaux, même en dehors des heures de bureau. Je réponds aux diverses questions et demandes des membres et du staff. Je travaille régulièrement sur les projets et les tâches administratives.
J&L : Quel est ton rapport avec la fédération, Jeunes & Libres ?
L. M. : C’est un gros bonus pour nous d’avoir une fédération libérale qui est là pour nous soutenir dans tout l’aspect administratif de la vie de notre association, ressources humaines, financier, graphique ainsi que pour les formations.
Et cela me permet de réaliser quelques parties d’échecs endiablées avec le coordinateur de la fédération (rires, ndlr).
Propos recueillis par Adrien Pauly
« Les bénévoles et les stagiaires représentent le cœur de l’association. »
Sensibiliser les jeunes, créer et mettre en place des projets, former des pairs éducateurs et j’en passe… C’est un travail de longue haleine ! C’est donc par téléphone que nous avons interviewé Céline Danhier, directrice de O’YES. Cet entretien téléphonique, initialement prévu pour 30 minutes, a duré plus de 2 heures. C’est ce qui arrive quand on échange avec une passionnée !
Jeunes & Libres : Qui est tu ? Quel est ton parcours scolaire et professionnel ?
Céline Danhier : Je m’appelle Céline et je suis la directrice de O’YES, anciennement appelée SIDA’SOS. J’ai fait des études en marketing à l’EPHEC puis un master en gestion d’entreprise à l’ICHEC.
J&L : Peux-tu donner trois mots qui te caractérisent ?
C. D. : Je suis quelqu’un de bienveillant, à l’écoute du personnel et de leurs besoins, leur bien-être est important pour moi. J’aime également mettre les gens ensemble et les mobiliser autour d’un projet commun. Je suis militante et je n’ai pas peur « de déplacer des montagnes » pour les causes qui m’importent.
J&L : Peux-tu nous dire une chose que les gens ne savent pas sur toi ?
C. D. : J’ai été braquée avec une amie par deux inconnus armés à Auderghem. Ils ont voulu voler nos sacs ainsi que la voiture qui appartenait à mon employeur. On a refusé de leur donner le véhicule et ils se sont enfuis avec nos sacs. Malheureusement pour nous, les clés de la voiture étaient dans mon sac à main. Aujourd’hui, je leur donnerais directement mon sac et les clefs.
J&L : Quelle est l’histoire de O’YES ? Pourquoi l’asbl existe-t-elle ?
C. D. : Lors de mes études, j’ai réalisé un mémoire sur des campagnes de prévention à destination des jeunes par rapport aux IST et au VIH, c’est un sujet qui m’intéresse depuis longtemps, mon oncle était chef de pédiatrie pour les enfants vivant avec le VIH.
J’ai réalisé mon deuxième mémoire au sein des Responsible Young Drivers car je trouvais intéressant de travailler dans le secteur associatif. Suite à ce mémoire, j’ai été engagée en 2006 par l’association.
Chez les RYD, j’étais en charge du réseau de volontaires et par la suite des projets européens. Dans ce cadre, je devais, entre autres, comparer les meilleures pratiques de prévention sur différentes thématiques : alcool, drogues, sécurité routière et santé sexuelle. Cela m’a permis d’avoir une vision globale sur tout ce qui était fait au niveau de la prévention, du VIH, des IST et de la santé sexuelle ainsi que les différentes stratégies de prévention utilisées. Très rapidement, j’ai remarqué que l’éducation par les pairs était la meilleure pratique pour la sensibilisation à la santé sexuelle et que ça n’existait pas encore ou très peu en Belgique.
En parallèle, avec une amie de l’EPHEC, nous avions comme souhait de mettre sur pied un projet commun. Après plusieurs mois/années de réflexion et d’analyses, nous avons créé SIDA’SOS afin de sensibiliser les jeunes sur la santé sexuelle sur les campus.
J&L : Quelles démarches as-tu entreprises pour créer ton asbl et pourquoi t’es-tu orientée vers le secteur de la jeunesse ?
C. D. : Pour commencer, nous avons choisi un nom, « SIDA’SOS », rédigé les statuts et fait les démarches administratives pour créer l’association. Ensuite, nous avons réfléchi aux méthodes que nous souhaitions utiliser pour sensibiliser les jeunes. L’éducation par les pairs était une évidence ainsi que la création d’outils pédagogiques, le tout de façon fun et ludique. Nous nous sommes également beaucoup inspirées des pratiques de l’étranger.
Pendant six ans, nous avons travaillé chez moi, dans mon salon. Nous étions tous des volontaires motivés par la cause et avec une envie débordante de mobiliser les jeunes et de créer un réseau de volontaires. Par contre, il s’avérait très difficile de débloquer des fonds pour développer nos projets.
J’ai eu la chance de rencontrer une amie de ma maman qui travaillait dans le secteur de la Jeunesse. D’après elle, l’association respectait tous les critères pour être reconnue comme Organisation de Jeunesse. Nous avions déjà un volume d’activités conséquent car nous étions présents sur plusieurs régions et l’implication des jeunes était au cœur de l’asbl. Nous avons rentré un dossier et un an plus tard, nous étions reconnus en tant qu’Organisation de Jeunesse.
A partir de ce moment-là, tout a changé, nous avons pu compter sur le soutien de notre fédération. Nous avons également obtenu un subside structurel, ce qui nous a permis d’engager du personnel et d’envisager plus sereinement le futur.
J&L : Quelles sont les thématiques sur lesquelles vous travaillez ?
C. D. : Au départ, nous travaillions sur les IST et le VIH pour finalement nous orienter vers toutes les thématiques qui concernent l’EVRAS et la santé sexuelle. Selon nous, le bien-être global des jeunes dans leur santé, et leur santé sexuelle en particulier, est primordial.
Aujourd’hui, nous abordons des thématiques telles que le harcèlement, le consentement, le plaisir, la contraception, … Nous essayons de sensibiliser les jeunes avec des messages plus « positifs » quand la thématique le permet.
Notre priorité est de former les jeunes de 18 à 30 ans afin qu’ils deviennent des CRACS, qu’ils aient des informations de qualité, répondant à leurs attentes pour pouvoir prendre des décisions éclairées par rapport à leur santé sexuelle. Nous souhaitons également qu’ils puissent identifier les structures ressources qu’ils pourront solliciter par la suite.
J&L : Pourquoi avoir changé de nom ?
C. D. : L’asbl a fortement évolué et beaucoup de gens trouvaient que le nom SIDA’SOS ne correspondait plus du tout à ce que nous faisions sur le terrain. Effectivement, SIDA’SOS donnait l’impression que nous étions une association de patients alors que nous faisons de la prévention et la promotion de la santé sexuelle. Cela a entrainé un gros questionnement au sein de l’équipe, des volontaires, des administrateurs et des partenaires.
Nous souhaitions un nom plus positif et donc O’YES (Organization for Youth Education & Sexuality) est née pour les 10 ans de l’association. Nous sommes ravis de ce changement de nom qui nous correspond beaucoup plus.
J&L : Quelles sont les valeurs de O’YES que tu défends ?
C. D. : La bienveillance, le respect, l’écoute, l’inclusion, le travail communautaire et l’implication des jeunes dans nos projets sont des valeurs très importantes pour nous.
Nos projets doivent être le plus possible en adéquation avec les besoins des jeunes. Chaque année, ils sont remis en question, réévalués et réadaptés. Il faut être constamment en phase avec notre public cible qui évolue chaque année. Nous devons être novateurs et proposer une communication accessible et vulgarisée pour tout le monde. Nous devons également soutenir et défendre les combats de nos jeunes pour arriver à des changements parfois légaux mais nécessaires.
J&L : Peux-tu nous parler d’un projet coup de cœur depuis que tu es directrice ?
C. D. : J’adore tous les projets et il m’est difficile d’en choisir un.
Le projet HPV (Infections à papillomavirus humains), est un projet qui me tient particulièrement à cœur. Grâce à une mobilisation politique depuis 2017, nous avons obtenu pour tous les garçons de 12 à 18 ans inclus la gratuité et/ou le remboursement du vaccin contre les HPV. Il s’agissait d’une inégalité sociale de santé vu que les filles y avaient accès mais pas les garçons qui sont pourtant tout autant concernés. C’était un de nos grands combats et nous sommes fiers d’y être parvenus !
Un autre super projet qui a pris énormément d’ampleur, c’est notre chaîne YouTube intitulée « Moules Frites ». Ce projet a été conçu pendant la pandémie avec la volonté de donner la parole aux jeunes sur les réseaux sociaux. Il est complémentaire des actions qui sont menées sur le terrain et nous permet d’atteindre les jeunes hors des campus. Cette chaîne peut également être utilisée comme outil pédagogique par les professeurs, les parents, les grands-parents, pour installer un dialogue avec les jeunes. Même si le public cible de l’OJ est les 18-30 ans, c’est chouette de voir que l’on touche toutes les générations.
J&L : Qu’est-ce que c’est, pour toi, gérer une asbl ?
C. D. : Gérer une asbl, selon moi, c’est définir des objectifs prioritaires avec l’équipe, établir la direction à suivre dans les années futures et mettre en place les actions en fonction des problématiques identifiées par le public.
Nous devons avoir une stratégie à long terme, pensée par nos administrateurs, la direction, mais également avec l’équipe pour avoir un cap. En fonction de ce cap à suivre, nous devons trouver les financements pour pouvoir développer nos projets, nos actions et atteindre finalement nos objectifs. La remise en question pour pouvoir se réinventer en fonction de l’actualité, du retour des jeunes, de l’évaluation réalisée avec les parties-prenantes est également synonyme d’une bonne gestion d’asbl selon moi.
Pour conclure, le management d’équipe est primordial. En tant que directrice, à mes débuts, j’ai peut-être sous-estimé le recrutement. A l’heure actuelle, il m’est toujours aussi difficile de me séparer d’un membre de mon équipe. Si le recrutement a bien été peaufiné, il y a moins de risque de devoir se séparer d’un employé par la suite.
J&L : Comment t’es-tu formée au métier de manager ?
C. D. : J’ai suivi quelques cours sur le management lors de mes études sinon j’ai du apprendre à manager au fur et à mesure que l’asbl grandissait. Ce n’est pas facile de dégager du temps, en plus du travail au quotidien, pour se former au management. Fin septembre, avec les coordinatrices des pôles, nous avons justement suivi une formation sur la gestion d’équipe, c’était très constructif.
J&L : Quelle est la qualité principale pour être coordinateur d’uns association ?
C. D. : Forte de mon expérience, j’ai pu constater la difficulté pour les jeunes employés d’aller vers la direction. Il faut souvent faire le premier pas. C’est pourquoi, je m’assure que tout le monde se sente bien au sein de la structure, en discutant avec eux, en leur posant des questions.
J&L : Peux-tu présenter la structure de O’YES ?
C. D. : L’asbl est divisée en différents pôles. Chaque pôle est coordonné par une coordinatrice. Son rôle est de veiller au bon fonctionnement de celui-ci, des projets et au bien-être de son équipe.
Le pôle administratif est composé de la directrice et de deux personnes qui s’occupent de la comptabilité, de la gestion des subsides ainsi que de la gestion quotidienne de l’asbl.
Le pôle communication est également composé de quatre personnes qui gèrent les différents projets tels que le projet Moules frites, Go to Gyneco, HPV. Ils sont en charge de la conception de tous les visuels pour l’association, de la gestion des volontaires, des réseaux sociaux, du réseau de diffusion des campagnes sur les campus et des contacts presse.
Le pôle pédagogique est composé de cinq personnes. Ils s’occupent de la prévention et de la formation des pairs éducateurs en hautes écoles et universités, du projet de concertation local EVRAS, de la gestion des volontaires ainsi que de l’implication de la communauté sur les différents projets.
J&L : Quel est ton rôle au sein de la structure ?
C. D. : J’ai un rôle multitâche. Je m’occupe de la gestion du budget, de la mobilisation des partenaires et des politiques, de la représentation sectorielle, de la gestion des ressources humaines et de la stratégie générale de l’association. Je suis l’avancement de tous les projets ainsi que des nouvelles demandes (partenariats, suivis des étudiants, création de campagnes, création et prêt d’outils pédagogiques, …).
J&L : Comment s’organise la coordination de vos trois pôles de gestion ?
C. D. : La richesse de notre équipe, c’est la diversité et la complémentarité des profils. Les débats et les discussions avec l’équipe sont nombreux, diversifiés et intéressants. Tous les lundis, nous organisons des réunions de pôle, des réunions « one to one », des réunions direction/coordination et une réunion d’équipe. C’est important de se tenir informée des décisions qui ont été prises et de se mettre d’accord sur la communication à relayer aux employés. C’est important pour ne pas donner d’informations contradictoires à l’équipe.
J&L : Quelle est l’importance des volontaires dans les projets de O’YES ?
C. D. : Les bénévoles et les stagiaires représentent le cœur de l’association. Ils participent activement à la vie de l’asbl. Ils prennent part aux projets, à la création des outils pédagogiques et autres. C’est un peu comme une fourmilière.
Nous avons également des réunions « volontaires » une fois par mois, qui permettent d’échanger, de se rencontrer et de réfléchir ensemble aux différents projets. Chaque année, nous organisons un « Week-end des Volontaires » afin de tisser des liens et de créer une cohésion d’équipe. Il ne faut pas sous-estimer le temps que prend la gestion du réseau de volontaires, l’accompagnement, leur formation.
J&L : Quelles sont les contraintes auxquelles tu fais face au quotidien ?
C. D. : Le manque de subsides structurels et le délai de validation des appels à projets. Souvent, nous devons nous projeter budgétairement sur des suppositions. C’est compliqué d’avoir une stratégie concrète sur le long terme sans être sûr des financements.
J&L : Quels sont les défis à venir au sein de votre OJ ?
C. D. : La surcharge de travail vécue par les employés, due aux nombreux projets. Il nous faudra accepter de ne pas pouvoir répondre positivement à toutes les nouvelles demandes de projets.
J&L : Quel est ton horizon de gestion ? Comment projettes-tu ton management ?
C. D. : Sur le court et moyen terme, nous souhaitons continuer à nous former au management et à la gestion d’équipe avec les coordinatrices des pôles. Sur le long terme, idéalement, il nous faudrait agrandir l’équipe afin d’avoir une personne par projet. Cela représenterait quatre personnes supplémentaires. En parallèle, il faut continuer à pérenniser et renforcer l’existant afin de pouvoir accepter de nouvelles opportunités et des projets ambitieux pour le futur.
J&L : Comment géres-tu la multitude d’appels à projets ?
C. D. : En moyenne, nous répondons à une cinquantaine d’appels à projets par an. Vu le nombre conséquent, je n’hésite pas à demander de l’aide à mon équipe si besoin.
J&L : Comment est-ce que tu gères le quotidien ? Présente-nous une journée type ?
C. D. : Chez O’YES, il n’y a pas de journée type. A l’exception des lundis qui sont consacrés aux réunions d’équipe où l’on discute des priorités de la semaine et de la direction à prendre pour les différents pôles. Quotidiennement, je passe beaucoup de temps au téléphone pour débloquer des situations ou répondre aux urgences. Je me partage entre les tâches administratives, la rédaction des appels à projets, les réunions plus politiques, la représentation sectorielle, la réflexion autour des campagnes de communication et les prises de décision concernant tous les projets. Il y a également énormément d’imprévus auxquels je dois faire face souvent en lien avec l’actualité.
J&L : Quelles sont les dernières avancées législatives dans les matières sur lesquelles vous travaillez ?
C. D. : Les rebondissements politiques et législatifs ont un impact sur le quotidien de l’association. Comme évoqué plus haut, le projet HPV (Infections à papillomavirus humains) a mobilisé l’équipe pour créer une campagne de communication pour informer le public, les médecins, etc. Dernièrement, nous nous sommes également mobilisés suite à ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis, concernant l’IVG. Une autre avancée est la légalisation du travail du sexe.
Afin de communiquer directement avec le public sur les avancées législatives et politiques, nous avons créé une nouvelle capsule « Hot News » sur notre chaîne YouTube « Moules Frites ».
J&L : Quel est ton rapport avec la fédération ?
C. D. : La fédération est un soutien sur lequel nous pouvons compter au quotidien peu importe la demande. Ils nous soutiennent sur les projets, les actions, la compréhension du secteur, la rédaction des appels à projets, les démarches administratives, les formations . Nous pouvons également compter sur Jeunes & Libres pour nous rappeler les deadlines importantes pour notre structure.
J&L : Peux-tu nous parler des relations avec les autres OJ de Jeunes & Libres ?
C. D. : Malheureusement, le manque de temps nous empêche de plus échanger avec les autres OJ. Nous mobilisons beaucoup de partenaires dans le secteur mais qui travaillent sur les mêmes thématiques que nous.
Nous avons déjà pu mettre en place différents projets avec la FEL parce que nous partageons le même public cible et que nous nous mobilisons tous les deux sur les campus.
Deux fois par an, Jeunes & Libres organise les « Journées des Coordinateurs » qui nous permettent d’échanger avec les autres OJ.
J&L : O’YES déménage bientôt. Quels défis demande l’aménagement d’un bâtiment ?
C. D. : Fin d’année, nous déménagerons dans notre tout nouveau centre CECSI (Centre Evras Collaboratif et de Santé Inclusive). Le bâtiment rassemblera différentes structures associatives en lien avec notre thématique afin d’échanger, de co-construire et de créer un réseau d’experts orientés vers les jeunes et leur entourage. Ce sera un lieu accueillant, bienveillant et transdisciplinaire.
Pour ce projet, j’ai dû endosser le rôle de chef de chantier, c’est un nouveau défi pour moi.
Propos recueillis par Pauline Bettonville