

Des résultats interpellants
Durant plusieurs mois, la RTBF a réalisé une grande enquête en ligne afin de dresser le portrait de la génération des 18-34 ans, dite « Génération Y ».
Près de 30 000 jeunes issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont répondu aux 150 questions qui étaient posées.Selon les résultats de cette étude, les principales préoccupations des jeunes sont dans l’ordre : l’environnement, l’accès à l’emploi, le système éducatif, la crise économique et financière et l’immigration.
Quelques chiffres sont particulièrement interpellants, tel que celui faisant état d’une méfiance généralisée envers la politique. En effet, selon l’étude, 90% des jeunes déclarent ne pas avoir confiance envers celle-ci. Au-delà de la politique, les jeunes ont peu confiance dans les institutions sociales, singulièrement les institutions religieuses, les médias et les syndicats.Ce qui ressort également de cette étude est le sentiment de révolte qui habite un grand nombre de participant. Les jeunes se disent prêts à participer à un mouvement de révolte de grande ampleur, type Mai 68. La jeunesse actuelle est, d’après l’enquête, une jeunesse engagée. La jeunesse s’engage principalement dans des ONG ou des associations humanitaires.
La méfiance envers le monde politique
Il convient toutefois de relativiser les données quant à la méfiance des jeunes envers le politique. En effet, cela n’implique pas un désintérêt à l’égard du politique. Les jeunes sont soucieux des politiques qui les concernent directement. Les jeunes étudiants en médecine suivent avec attention les décisions qui sont prises en matière de numéro INAMI. On le voit avec les statistiques, si l’engagement ne se fait pas directement dans un parti politique il existe à tout le moins un engagement citoyen important pour une majorité de jeunes.
Ils posent de nombreux actes politiques dans leur vie quotidienne : ils votent à des pétitions en ligne, ils se mobilisent sur les réseaux sociaux pour soutenir un projet via le crowdfunding,… Passé le constat chiffré, il faut pouvoir répondre aux attentes, préoccupations et critiques des jeunes telles qu’elles apparaissent dans cette étude. C’est ce à quoi s’attellent au quotidien les Organisations de Jeunesse à travers des activités autour du vivre-ensemble, des conférences sur des thèmes d’actualité, des stages et autres ateliers autour de l’éducation aux médias.
Par ailleurs, certaines initiatives propres aux Organisations de Jeunesse dites politiques, entendent enrayer le désintérêt des jeunes envers la politique. La plateforme « Apprentis citoyens » joue à ce titre un rôle fondamental. Cette initiative vise à initier les jeunes aux débats politiques et ouvrir les portes des écoles aux diverses Organisations de Jeunessse politiques afin qu’elles présentent leur vision de la société ou débattent d’un thème bien précis.

Un enseignement inefficace
D’après l’enquête, 82% des jeunes considèrent que l’école ne prépare pas efficacement au marché du travail. Ceci corrobore les résultats de la récente enquête PISA mettant en évidence les défaillances du système scolaire francophone. A cet égard, le Pacte d’excellence entend tendre vers une amélioration du système scolaire afin qu’il soit en phase avec la société actuelle.
Néanmoins, lorsque nous analysons les propositions de ce Pacte, nous restons dubitatifs sur la manière dont il va rencontrer les attentes des jeunes issus de la Génération Y. Ce Pacte d’excellence revoit les principes de l’enseignement à sa base avec l’école maternelle. Qu’en est-il des jeunes ayant déjà entamé une scolarité pré-Pacte d’excellence, constituent-ils une jeunesse sacrifiée ?
D’ailleurs, la principale proposition du Pacte d’excellence, l’allongement du tronc commun, n’est pas en adéquation avec la volonté des jeunes ayant l’aspiration d’une école plus en lien avec la réalité du monde du travail. Cette décision ne fait que retarder l’orientation des élèves vers d’autres filières. D’autant que les jeunes entrant dans les filières qualifiantes ou professionnelles à la sortie du tronc commun auront finalement une formation de moindre qualité avec une réduction du nombre de stages.
Notons également que cet allongement aura un impact sur la motivation des élèves voulant s’orienter vers une autre filière. Cette absence de liberté dans le choix de son parcours scolaire ne peut avoir que des répercussions négatives sur la perception qu’ont les jeunes sur cette institution.
Nous nous réjouissons de cette volonté du monde politique d’investir la question des finalités de l’enseignement. Cet investissement est passé par des réflexions prenant en compte les avis de l’ensemble des acteurs du monde éducatif : les acteurs du triangle pédagogique à savoir parents, enfants et enseignants (au sens large). Malheureusement, lorsque nous regardons cette consultation, nous remarquons que les réflexions soulevées concernent les besoins des élèves et des parents au sein de l’école. Cette attitude est louable et logique en ce sens que l’élève est au cœur de l’action pédagogique. Malheureusement, dans cette démarche, le Pacte d’excellence oublie voire néglige les besoins de l’enseignant. Cet enseignant étant, tout de même le moteur de l’action pédagogique. Sans cet enseignant motivé, comment pouvons-nous apporter une réforme et une action pédagogique constructive et de qualité ? Comme nous le montrent les chiffres, 35% des enseignants quittent le milieu dans les 5 ans.
Le Pacte d’excellence peut être une belle avancée à condition qu’il respecte les besoins de l’ensemble des jeunes, qu’il porte une réflexion sur l’ensemble des acteurs du triangle pédagogique et que les réformes ne soient pas mises en place pour des raisons économiques.
Il convient donc de nuancer les résultats de l’étude menée par la RTBF. En effet, si une majorité de jeunes se disent méfiants envers la politique, ils ne sont pas pour autant désengagés ou détachés de tout intérêt pour la politique. La Génération Y est une génération critique, car elle est née avec de formidables outils à sa disposition qui lui permettent d’avoir accès à l’ensemble des informations qu’elle désire. Les jeunes sont impliqués sur les thématiques qui les touchent directement et n’hésitent pas à manifester leur soutien ou désaccord lorsque leurs intérêts sont en jeu. L’engagement des jeunes est toujours vivace !