On peut être jeune et assumer des responsabilités importantes. Audun Brouns en est un exemple. À seulement 27 ans, le jeune bassengeois est échevin de l’urbanisme, de l’aménagement des territoires, de la mobilité, de l’environnement, du monde associatif et folklorique et, enfin, du numérique de sa commune… en plus d’être chef de cabinet de l’échevin liégeois Gilles Forest et président de la fédération provinciale de Liège des Jeunes MR. Rencontre avec quelqu’un dont les journées sont souvent très longues.
Jeunes & Libres : Pourriez-vous revenir sur la genèse de votre engagement ? Comment avez-vous accédé à toutes ces responsabilités ?
Audun Brouns : Je voudrais en premier lieu vous remercier d’avoir sollicité une interview. Je suis actuellement échevin à la commune de Bassenge depuis les élections de 2018, j’ai un assez gros portefeuille, qui comprend l’urbanisme, l’aménagement du territoire, la mobilité, l’environnement, le patrimoine, le monde associatif et folklorique et le numérique. Cela constitue déjà une belle occupation…
Et depuis les élections internes d’octobre dernier, j’ai été élu président des Jeunes MR de la province de Liège. J’ai succédé à Victoria Vandeberg, avec qui j’avais déjà pu travailler précédemment puisque j’étais président de l’arrondissement de Liège ces deux années passées et donc son vice-président. J’ai aujourd’hui la lourde tâche de lui succéder.
Je suis également le chef de cabinet de Gilles Foret, échevin à la ville de Liège, dont les attributions concerne la transition écologique, la mobilité, la propreté et le numérique.
J&L : À propos de ce dernier poste, s’agit-il de votre première expérience professionnelle dans un cabinet ?
A. B. : Après mes études en sciences politiques à l’Université de Liège, j’ai commencé ma carrière chez Pierre-Yves Jeholet, juste après les élections de mai 2019, quand les gouvernements ont été formés au niveau régional et communautaire au mois de septembre. J’étais conseiller et m’occupais des questions relatives au numérique. J’ai beaucoup travaillé, notamment, sur l’accélération de la stratégie numérique pour l’éducation qui fut une expérience vraiment enrichissante et qui m’a permis de connaître ce monde des cabinets ministériels dans lequel j’ai travaillé deux ans avant de revenir à Liège et de devenir le chef de cabinet de Gilles Foret. En parallèle, j’ai obtenu un certificat universitaire en management des smart cities.
J&L : Comment s’est déroulée votre élection à la fédération provinciale des Jeunes MR ?
A. B. : J’étais le seul candidat à la fonction, ce qui, bien ce que l’on pourrait penser, ne rend pas toujours la tâche plus aisée, car c’est toujours plus simple, je trouve, de défendre ses idées par rapport à quelqu’un d’autre. Lorsque l’on est seul candidat, on n’a pas la même approche. Moi j’aime bien quand il y a de la vitalité démocratique et qu’on peut s’opposer, même au sein d’une grande famille où l’on est tous sur la même longueur d’onde. Cependant, nous avons toujours, chacun, ces petites aspérités et ces projets spécifiques.
Je suis, bien entendu, très heureux d’avoir pu être élu à ce niveau-là. J’ai évidemment envie de bien faire les choses au vu des échéances qui arrivent. Nous avons une belle jeunesse que nous devons mobiliser au mieux, la former au mieux aussi parce que ce n’est pas tout de s’engager dans une organisation de jeunesse politique. Il y a l’étape d’après pour certains, celles de l’engagement sur les listes, que ce soit au niveau local ou autre et je pense qu’il faut pouvoir donner les clés à toutes ces personnes. J’ai eu la chance de très tôt m’engager et donc d’avoir pu acquérir une certaine expérience au cours de ces cinq dernières années à différentes échelles, à différents niveaux et je veux vraiment pouvoir faire profiter de mon expérience à toutes celles et à tous ceux qui veulent participer à la campagne sur les listes. En particulier s’il d’agit de soutenir les candidats parce qu’il y a des codes qu’on doit pouvoir acquérir si on veut faire un pas dans le dans l’arène politique.
J&L : Être président des Jeunes MR de la Province de Liège signifie pour vous partager votre expérience avec les autres jeunes MR ou acquérir de l’expérience supplémentaire ?
A. B. : On apprend tous les jours et qu’importe la fonction ou le mandat ou le milieu (de son engagement, NDLR), qu’il soit celui d’une organisation de jeunesse politique ou du monde associatif de manière plus large. Et surtout, je crois qu’on apprend tout au long de sa vie. Tous les Jeunes MR de la Province de Liège ont beaucoup à m’apporter, ne fût-ce que par leur réalité locale que je ne connais évidemment pas sur l’ensemble du territoire de la province.
J&L : Pierre-Yves Jeholet ou David Weytsman ont déclaré dans de précédentes interviews qu’ils nous ont accordé qu’ils estimaient que les jeunes avaient et devaient avoir leur place sur futures listes électorales. Si on vous le proposait, seriez-vous partant ?
A. B. : J’ai eu la chance d’y participer en 2019, en tant que suppléant à la Région wallonne. Cela a été une magnifique expérience. Découvrir une campagne de ce niveau-là, de cette amplitude-là, cela a permis de me faire découvrir toute une série de personnes puisque c’est un grand moment aussi de fraternité, même s’il y a forcément des concurrences, qu’elles soient internes (au parti, NDLR) ou externes. En tant que « petit jeune », j’avais été extrêmement bien accueilli ! Je suis toujours évidemment jeune et je suis toujours à disposition de mon parti. J’ai à cœur de faire vivre le projet libéral, de le défendre et là où je peux être le plus utile, je n’hésiterai pas à y aller pour rendre le MR le plus fort possible, que ce soit dans l’arrondissement de Liège ou au niveau de sa province.
Évidemment, je pense que chaque chose doit se réaliser en son temps. J’ai eu la chance de devenir échevin dès ma première élection locale et j’ai envie de conserver cet ancrage, car j’aime beaucoup le niveau local et j’ai vraiment à cœur de continuer à m’impliquer à Bassenge, c’est ma priorité. Si je dois aller soutenir la liste ou si on compte sur moi pour d’autres fonctions, je serai ouvert à la discussion. Et si les leaders de notre parti nous font confiance, c’est évidemment toujours motivant et gratifiant.
J&L : Quelles sont les thématiques qui vous sont chères et qui vous paraissent importantes à défendre en tant que jeunes en 2024 ?
A. B. : Il est difficile d’identifier immédiatement certains sujets lorsqu’on les aborde sans avoir préparé sa réponse. On parle beaucoup de climat, des études, de l’accès à la propriété, etc. Ce sont évidemment des sujets majeurs qui reviennent dans le cadre de toutes les campagnes. Et c’est bien normal que tous les partis en parlent et qu’ils l’aient tous intégré dans la dimension « jeunesse » de leurs programmes.
Moi, je crois qu’on peut approcher cette thématique (jeunesse, NDLR) de manière transversale. Je crois pouvoir utiliser mon expérience de mandataire local, de chef de cabinet d’une grande ville et cette expérience ministérielle passée pour combiner un peu ce que j’ai pu y voir, ce que j’ai pu y ressentir et avoir des propositions extrêmement ciblées et précises dans le cadre de sujets qui qui touchent particulièrement à la jeunesse.
D’autre part, j’ai l’impression qu’au niveau du Mouvement Réformateur, parce qu’on a une certaine étiquette « conservatrice » souvent donnée par les médias, par la presse, l’idée que nous serions moins en phase avec les désirs de la jeunesse se répand… Je n’y crois pas du tout. Je crois justement que notre projet de société est le plus adapté à notre génération. Il répond à toutes les aspirations de la jeunesse, qu’il s’agisse de la liberté de voyager, de la liberté de penser, de la liberté d’enseignement, de la liberté d’entreprise, etc. Tous ces principes qui sont en nous, qui sont dans notre jeunesse et qui sont d’une certaine manière un peu « garanties » dans notre type de démocratie. Défendre ces libertés, personne ne le fait mieux que le MR car c’est dans notre ADN de libéraux. Cependant, au regard de ce que nous voyons aujourd’hui dans nos pays voisins, il faut faire prendre conscience à toute une série de jeunes que ces libertés-là sont précieuses, mais fragiles. Il faut les préserver et il faut même, à mon sens, pouvoir les augmenter.
Nous avons besoin d’élire des mandataires solides, quels que soient les partis tant qu’ils ont pour colonne vertébrale des principes démocratiques forts et. Malheureusement, on constate qu’en Wallonie aujourd’hui, notamment à Liège, ou à Bruxelles, cette montée de l’extrême gauche. Toute une série de partis, dits démocratiques, tend à aller chasser sur des terrains qui deviennent à mon sens dangereux pour nos libertés. Il y a parfois des surenchères liberticides chez des partis plutôt traditionnels. Cela m’inquiète beaucoup pour notre jeunesse parce que, parfois, on vote pour un parti, pour son nom, pour ce qu’il est censé incarner. Ecolo, pour ne pas le citer. Je me demande si nous les jeunes, nous rendons bel et bien compte des propositions qui sont faites, notamment en matière de liberté de circulation alors que c’est quelque chose qui tient tout particulièrement à cœur à notre jeunesse, que ce soit par rapport à des expériences d’Erasmus, que ce soit la facilité de voyager au sein de notre pays ou de découvrir d’autres pays, d’autres expériences pour les backpackers par exemple.
J&L : Qu’est-ce qui vous motive à vous engager pour votre commune ?
A. B. : Bassenge est une commune de 9.000 habitants qui a un tissu associatif très fort. Tout le monde se connaît. En 2018, j’avais réalisé près de 600 voix de préférence, c’est-à-dire plus d’une personne sur dix au regard des votants a voté pour moi (NLDR : il y avait 5948 votants en 2018). C’est assez extraordinaire de voir l’attachement que les gens ont à l’égard de leurs représentants communaux et c’est très enthousiasmant par la suite de pouvoir se démener quand on reçoit pareille confiance.
Nous voyons concrètement ce que nous réalisons sur notre territoire et nous avons la capacité de réellement consulter les gens quand on veut faire avancer un dossier, en réunissant les bonnes personnes et en essayant de mettre un peu d’huile dans les rouages.
J&L : Qu’est-ce que représente, en termes d’investissement personnel, cet engagement au service de votre commune ?
A. B. : C’est hyper prenant ! J’arrive à combiner cet engagement avec les autres parce que c’est ma passion. Je dois avouer que je n’ai pas beaucoup d’autres loisirs, car j’y prends beaucoup de plaisir donc je ne ressens actuellement pas spécialement le besoin de changer de cadre de vie.
Toutes mes soirées sont consacrées à mon mandat politique, à l’exception du vendredi. On n’est pas sur du travail très formel le week-end, mais mon samedi est majoritairement consacré à mes dossiers Bassenge. Il est toutefois important de conserver le dimanche quand j’y arrive pour pouvoir passer un peu de temps avec ma compagne. Les journées commencent généralement à 07h30 du matin et se poursuivent jusque 22h- 23h, parfois minuit. Cela varie un petit peu tous les jours.
Il faut savoir dans quoi on s’engage quand on le fait, si on veut bien le faire. En tous les cas, libre à chacun de ne pas forcément avoir un métier à côté qui est aussi prenant que le mien. J’ai fait ce choix-là parce que j’ai envie d’engranger beaucoup d’expérience, parce que j’estime qu’à l’heure actuelle, j’ai l’énergie pour le faire.
J&L : Quels sont les dossiers locaux pour lesquels vous vous êtes particulièrement investi sous cette législature ?
A. B. : Il y en a eu beaucoup et il est nécessaire de distinguer les projets qui demandent un investissement de longue haleine dont les efforts entrepris ne sont pas toujours visibles et ceux de plus courte durée, mais dont le résultat est spectaculaire au niveau d’une commune. J’en vois trois dans le cas de Bassenge qui sont importants.
Nous venons d’inaugurer le parc des naissances. Il s’agit d’une opération intitulée « Une naissance, un arbre ». À chaque naissance, depuis 2022, nous avons décidé de planter un arbre par enfant de la commune né. Chacun d’entre eux dispose de son prénom sur l’espace public. Nous aurons à cœur de poursuivre ce projet et à pouvoir végétaliser davantage la commune. Son sens est de sensibiliser les générations futures à la préservation de l’environnement, et aussi d’adapter au mieux notre territoire aux effets du changement climatique.
L’autre projet concerne les smart cities. Au début de mon mandat d’échevin, j’ai fait en sorte que Bassenge remporte un appel à projets « territoires intelligents » lancés par la Région wallonne. Nous avons pu créer toute une smart zone dans un des villages de la commune avec des capteurs et des détecteurs de mouvements permettant, la nuit, de réellement baisser l’intensité de l’éclairage et de créer des « bulles de déplacement ». Quand quelqu’un passe, il est éclairé via une bulle sécurisante autour de lui. Ce détecteur est également lié à des capteurs de niveau d’eau que nous avons placé au niveau du Geer pour prévenir en cas de crues. C’est aussi un beau dossier qui m’a demandé beaucoup d’investissement personnel et une coordination de nombreux acteurs locaux, régionaux et du monde de l’entreprise.
Enfin, le dernier dossier en est un qui est véritablement un travail de longue haleine et qui ne sera certainement pas le plus « sexy ». Il s’agit de la mise en place d’un plan communal de mobilité à Bassenge. Dans ce dossier, j’ai vu toutes les difficultés qu’on peut avoir quand on veut vraiment mener des dossiers stratégiques à des horizons de 10 ou 15 ans dans une commune. Le dossier est désormais sur les rails et devrait aboutir fin 2024. C’est aussi ça l’engagement politique local, oser mettre les mains dans le cambouis dans des dossiers complexes et fastidieux qui ne « rapportent » pas spécialement d’un point de vue électoral mais qui garantissent aux Bassengeois que leur espace public sera géré dans les années à venir avec une véritable stratégie sur le long-terme.
J&L : En quoi consiste le travail de chef de cabinet d’un échevin d’une des plus grandes villes de Wallonie ?
A. B. : Liège est une ville de 200.000 habitants donc les sollicitations sont nombreuses pour le collège communal. Ici, nous nous occupons de la mobilité, de la propreté, qui est aujourd’hui loin d’être une sinécure, de la transition écologique, enjeu central et transversal de toutes les politiques publiques, et du numérique. Au sein de l’échevinat de Gilles Foret, nous sommes une équipe de huit personnes. Le rôle du chef de cabinet est évidemment de coordonner cette équipe en fonction des matières de l’échevin, d’être en quelque sorte le chef d’orchestre pour que tous les dossiers soient suivis correctement, en y apporter une touche politique évidemment, au regard de la volonté de l’échevin, mais aussi de l’accord de majorité qui a été conclu en 2018, la déclaration de politique communale.
La gestion managériale et humaine du cabinet fait également partie de la fonction, pour que tout se passe bien entre tout le monde, dans les rapports avec l’administration, dont le service de la Gestion des Espaces Publics (GEP) qui est l’un des plus gros départements en matière de ressources humaines (300 personnes, NDLR), en raison de la gestion des nombreux de l’étendue du territoire.
Il y a le rapport aussi un peu privilégié avec l’échevin, qui consulte beaucoup, à qui je donne des avis, des conseils. Je m’occupe aussi beaucoup de sa communication, de la relation avec la presse, etc. Le travail est très varié, cela en fait son charme aussi parce qu’il permet de ne pas s’ennuyer, de réaliser des tâches différentes.
J&L : Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui voudraient s’engager politiquement ?
A. B. : De se donner à 200% dans toutes les opportunités qui se présentent ! Je crois qu’il ne faut pas faire la chasse aux mandats ni aux titres, ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est l’enrichissement, non l’enrichissement personnel évidemment, mais au travers de la cause. Il ne faut pas vouloir à tout prix un titre pour se faire valoir. Il faut mériter ce titre et assumer, au moment où ça « tombe sur les épaules », la charge parce qu’on peut avoir tous les titres que l’on veut, autant dans le milieu professionnel que dans le milieu politique, il faut pouvoir donner le meilleur de soi-même pour être reconnu tant par ses collègues que par les citoyens voire même par les représentants de l’opposition.
Je crois que si l’on veut atteindre ses objectifs, quels qu’ils soient, si on veut remplir la tâche correctement, il faut être prêt à faire des « sacrifices », parce que la chose publique est quelque chose d’extrêmement prenant.
Le revers de la médaille est que cela engendre des difficultés, parfois, dans les rapports humains alors que c’est quelque chose auquel il faut beaucoup veiller. J’y accorde une attention particulière, même avec l’adversaire politique. En politique, nous devons nous battre contre des valeurs, jamais contre les personnes.
Un autre conseil que je donnerais est de ne pas rentrer dans des guerres d’ego, des guerres de personnalité, mais de se battre pour des projets, pour des convictions. C’est ça l’essence même de la politique avec un grand P. Je constate qu’au niveau des organisations de jeunesse politique, il y a des combats individuels pour des postes, pour des prés carrés. Cela n’apporte rien et cela entache encore un peu un peu plus un milieu qui n’a pas bonne presse depuis maintenant de nombreuses années. C’est à nous, les jeunes, de relever ce défi-là pour lui redonner ses lettres de noblesse.