Depuis son lancement, la réforme de l’enseignement obligatoire francophone en Belgique, connue sous le nom de Pacte pour un Enseignement d’Excellence, ne cesse d’apporter son lot de bouleversements à l’École mais aussi en dehors. Et notamment, dans le secteur jeunesse.
Qu’est-ce que le Pacte pour un Enseignement d’Excellence ?
En janvier 2015, Joëlle Milquet (ex-cdH, maintenant Les Engagés), alors ministre de l’Enseignement, dévoile son projet de réforme censé améliorer la qualité de l’Enseignement pour tous en Fédération Wallonie-Bruxelles. Dès le départ, le fruit de la réforme est présenté comme le résultat d’un long processus participatif entre l’exécutif de la FWB, le monde de l’Enseignement, les parents d’élèves, des experts et les acteurs des secteurs d’activités en lien plus ou moins direct avec l’Enseignement. Il ne s’agit pas d’une réforme monolithique mais bien d’une série de réformes qui concerne tous les aspects de l’Enseignement : le contenu des programmes, l’organisation des cours, la formation des enseignants, etc., et ce, de la maternelle à la 3ème secondaire. Et depuis 2015, les choses ont avancé.
Où en est le Pacte aujourd’hui ?
Plusieurs mesures et quelques réformes sont d’ores et déjà d’application. Parmi les principales, citons la réforme des référentiels pour le tronc commun de la 1re année primaire à la 3e année secondaire qui est définitivement adoptée. Ces référentiels définissent ce qui devra être acquis pour chaque année scolaire dans huit domaines d’enseignement, allant des mathématiques aux sciences, en passant par les langues modernes ou anciennes, ou encore l’éducation physique, etc. Leur mise en application a commencé en septembre 2020 et devrait se terminer en 2028.
Citons également l’obligation scolaire abaissée à la 3e année maternelle ou le décret réformant le pilotage et refinançant la formation en cours de carrière pour les enseignants.
Mais arrêtons-nous sur la réforme des rythmes scolaires. Dès la rentrée 2022, les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la maternelle à la fin des secondaires entameront l’année scolaire avec un nouveau calendrier qui se veut plus régulier. Avant, le calendrier scolaire tenait compte de l’organisation des adultes. Avec la refonte des rythmes scolaires, on remet l’enfant au centre de l’organisation du temps scolaire. Alterner 7 semaines de cours et 2 semaines de congés améliorerait les conditions d’apprentissage et diminuer les vacances d’été réduirait les effets du décrochage scolaire. Ce nouveau rythme permettra aux équipes éducatives et aux élèves de donner et suivre les apprentissages plus efficacement puisque le rythme sera régulier.
Bref, un rythme plus régulier, c’est ce que promeut le Pacte. Mais, pour que cela fonctionne, le rythme devra être respecté tout au long des congés scolaires. Il s’agira bien de se reposer et de respecter le rythme biologique de l’enfant lors des deux semaines de « break ».
Le changement de rythme engendre un bon nombre d’interrogations mais demande surtout de l’organisation de la part des familles et des opérateurs culturels afin que la transition se passe au mieux.
Quels impacts pour les Organisations de Jeunesse ?
Deux semaines de congés d’affilée inquiètent un bon nombre de parents qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas, en journée, s’occuper de leurs enfants durant cette période. Dès lors, les opérateurs culturels tels que les Organisations de Jeunesse pourront prendre le relais en proposant des stages et des activités accessibles. Autant de compléments d’apprentissage bénéfiques à l’émancipation des enfants.
Parmi les Organisations de Jeunesse, il y en a certaines qui sont particulièrement touchées par cette réforme des rythmes scolaires, ce sont les mouvements de jeunesse, tels que les Scouts, les Guides ou encore les Patros.
En effet, pour eux, l’été rime avec camp. En réduisant le nombre de jours de congés durant les grandes vacances, cela réduit le nombre de lieux disponibles pour accueillir tous les camps. Une solution semble cependant se dégager pour l’année prochaine grâce à la mise à disposition d’infrastructures scolaires ou à la rénovation d’infrastructures déjà existantes.
En ce qui concerne les OJ membres de Jeunes & Libres, il est difficile à l’heure actuelle d’estimer l’impact tant au niveau des activités que financier qu’aura la réforme. Nous ne pourrons faire un état des lieux qu’après une année écoulée mais il est certain que les équipes feront preuve de flexibilité et d’adaptation afin de gérer au mieux cette transition. En tant que représentant d’une série d’employeurs, nous nous rendons compte que l’impact portera sur la gestion des ressources humaines et qu’il faudra aménager vie privée et vie professionnelle.
La Flandre ne s’alignera pas…
L’enseignement étant une compétence communautaire, la Flandre a une totale autonomie de s’aligner ou non sur le calendrier francophone. Elle a pris sa décision, elle ne s’alignera pas… En tout cas, pas tout de suite.
Le Ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts, reste très prudent quant à la refonte des rythmes scolaires pour la Flandre. Même si une harmonisation des vacances scolaires pour tout le pays faciliterait l’organisation pour les parents qui ont des enfants aussi bien dans l’enseignement francophone que néerlandophone, le ministre préfère attendre et ne pas prendre de décision hâtive puisque d’après un sondage réalisé par le COC (Christelijke Onderwijscentrale), 78% des personnes interrogées sont défavorables à un raccourcissement des vacances d’été. La crainte du côté des enseignants néerlandophone est bien présente. Ces derniers craignent qu’une réforme engendre une surcharge de travail et ne leur permette pas de se reposer.
Les parents qui ont plusieurs enfants ne fréquentant pas l’enseignement dans la même communauté sont également inquiets puisque les congés ne tomberont plus nécessairement aux mêmes moments. Néanmoins, le Pacte tempère ce non-alignement des congés car sur 14 à 15 semaines de congés, il y en aura toujours 10 ou 11 en commun. De plus, un mécanisme d’ajustement est prévu afin d’assouplir cette alternance 7/2 pour organiser des semaines de 6 ou 8 semaines qui permettront d’aligner au moins une des deux semaines de congé de détente.
Maintien du calendrier actuel pour l’enseignement supérieur
Pour l’année académique 2022-2023, l’enseignement supérieur maintiendra son rythme propre. La volonté du non-alignement avec l’enseignement obligatoire a été privilégiée pour préserver la qualité des apprentissages. En effet, un alignement n’aurait pas permis aux étudiants d’avoir un « break » avant les examens de fin d’année et ils auraient enchainé 12 semaines de cours consécutives. L’enseignement supérieur souhaite mener une réflexion plus longue avant d’envisager une modification de son calendrier. Des aménagements structurels sont toutefois souhaités, et ce notamment pour la semaine de Carnaval 2023, afin de permettre aux étudiants de suivre une formation de moniteurs en mouvements de jeunesse ou moniteurs sportifs.
De plus, les établissements de l’enseignement supérieur peuvent fixer certaines dates de congé pour les membres du personnel. Ils sont invités à fixer ces dates en fonction du calendrier de l’enseignement obligatoire afin de « coller » au mieux au nouveau rythme scolaire.
Qu’en pense la FEL ?
La Fédération des Étudiants Libéraux se questionne également quant à l’alignement des rythmes scolaires et soulève des points importants qui n’ont, à ce jour, pas trouvé de réponses :
- Des dispositifs dérogatoires pour la transition seront-ils possibles pour l’année 2022-2023 ?
- Les étudiants auront-ils la garantie d’une période de congés pendant la période estivale ?
- L’alignement des périodes des vacances seront-elles réellement dédiées aux congés et non aux blocus ?
- Comment vont se dérouler les cours préparatoires pré-académiques pour les élèves qui sortent du secondaire alors que leurs congés seront rabotés ?
- Les jeunes seront-ils représentés et suffisamment pris en compte pour cette réforme ?
Ces différents points évoqués sont autant de balises qui devraient permettre aux réalités de chaque enseignement de se rejoindre.
La mise en application du Pacte n’en est qu’à ses débuts. Il est très difficile, à l’heure actuelle, de déterminer si son impact sera bénéfique ou non. Le Secteur de la Jeunesse prend bien en compte tous ces changements et s’aligne petit à petit avec toutes ces réformes. Ce n’est qu’avec un peu de temps et un peu de recul que nous pourrons clairement identifier l’impact que ces mesures auront sur les jeunes et notre secteur.
Sources
https://www.dhnet.be/actu/belgique/mouvements-de-jeunesse-des-moyens-renforces-pour-l-accueil-des-camps-62a4c3277b50a6292bed25ef
https://www.rtbf.be/article/la-reforme-des-rythmes-scolaires-en-flandre-nest-pas-pour-demain-10967478
https://jeunesmr.be/2022/03/la-reforme-des-rythmes-scolaires-oui-mais/
https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2022/03/28/reforme-des-rythmes-scolaires-les-enseignants-flamands-pas-fav/
https://www.rtbf.be/article/y-aura-t-il-bientot-une-reforme-des-rythmes-dans-lenseignement-superieur-10999121
https://www.lesoir.be/450337/article/2022-06-23/reforme-des-rythmes-scolaires-lappel-des-scouts-pour-des-lieux-de-camps-ete?fbclid=IwAR2lItjO2nJ0swngWbfy_QrqpNWCwVLBqxEQJoz8TfUuaRaOJHmKhCZK1Gk#_ga=2.71360208.2135305816.1656359440-1297549562.150834867
http://www.enseignement.be/index.php?page=28595&navi=4919&fbclid=IwAR0VEVeS422fVcLHrWImYWbOa9wRXu0XUjgO5ZYPk0f5T_z9peFfwLqvaJA