Le Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet, a reçu Jeunes & Libres au sein de ses bureaux, situés Avenue Louise, pour aborder, à presque un an des prochaines élections, les thématiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Culture et de la Jeunesse.
Jeunes & Libres : Comment résumeriez-vous la Fédération Wallonie-Bruxelles?
Ministre-Président Pierre-Yves Jeholet : La particularité de la Fédération Wallonie-Bruxelles réside dans le fait qu’elle gère ce que nous appelons “les matières personnalisables” qui touchent directement la personne tout au long de son parcours de vie. Ainsi, on retrouve, sans être exhaustif, la petite enfance, l’enseignement obligatoire, l’enseignement supérieur, la jeunesse, la culture ou encore le sport. Ce sont des matières essentielles dont la crise du COVID a démontré, s’il le fallait, leur caractère fondamental. Nous n’en avons jamais, peut-être, autant parlé que durant cette législature.
Par exemple, prenons le cas des fermetures, que ce soit au niveau de l’École ou encore des associations de jeunesse. C’était terrible pour les apprentissages des jeunes et leur vie. Il était essentiel que les institutions restent ouvertes, afin de pouvoir organiser les activités, même avec des “bulles”.
Ainsi, la spécificité de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce sont des matières qui contribuent fortement à la cohésion sociale et à l’émancipation de chacune et de chacun en tant qu’individu.
J&L : Est-ce qu’on peut dire que la francophonie est l’élément qui rassemble les habitants de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
P-Y Jeholet : J’aurais tendance à répondre oui… et non. Oui, car, en effet, il y a évidemment les francophones de Belgique puisqu’il y a trois communautés linguistiques, à savoir la communauté flamande, la communauté germanophone et la communauté francophone. Il s’agit d’un lien fort, évidemment, entre la Wallonie et Bruxelles.
Non, parce qu’il faut se rendre compte que ce lien s’est distendu et se distend toujours plus. Il y a des réalités. Hormis au sein du monde politique, entre Bruxellois et Wallons, nous ne dialoguons peut-être pas assez. La période de la crise sanitaire nous a contraints à davantage nous parler qu’auparavant entre entités fédérées et avec le niveau de pouvoir fédéral, ce qui a fait un élément au moins positif, mais les réalités sont différentes même s’il y a des aspects évidemment identiques. Rien que dans la pratique du logement ou de l’emploi, les points de vue sont parfois, voire souvent, différents entre Bruxellois et Wallons.
De plus, nous ne sommes peut-être pas, de notre côté, assez fiers d’être francophones. Nous pouvons le constater dans le nord du pays où les Flamands assument leur particularité et disposent d’une région qui est également une communauté. Ici, on se dira plus wallon ou bruxellois que francophone. En Région flamande, il y a une seule institution, une seule région qui s’occupe de toutes les matières. De notre côté, il y a des redondances, des concurrences, qui amènent, à un moment donné, à une inefficacité ou plutôt une efficacité qui n’est peut-être pas toujours optimale quand on se penche sur les moyens investis dans l’éducation et dans la formation, la première étant une compétence communautaire et la seconde régionale. Quand on voit tous les moyens investis depuis des années et des années, est-ce que les résultats sont à la hauteur des moyens investis ?
Non, on voit que le parcours scolaire et la formation de beaucoup de personnes ne sont pas suffisants pour trouver un emploi. Ce qui nous amène à avoir un taux de chômage important et, en même temps, des métiers en pénurie de main-d’œuvre. Je plaide, en termes de sécurité et aussi en termes de coût, pour plus de synergie au niveau intrafrancophone. Nous devons mettre de l’ordre dans nos institutions. Il y a des structures redondantes, qui sont parfois inutiles ou, en tout cas, pas très efficaces. Il s’agit d’un débat que nous devons avoir.
Pour revenir à la question de la francophonie, je pense que cela dépasse le cadre des francophones de Bruxelles et de la Wallonie et même de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette question a une dimension internationale et elle trouve sa place au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui rassemble quatre-vingt-huit pays francophones à travers le monde. La défense de la francophonie passe par l’appartenance à une communauté. Ce qui rassemble cette communauté, ce n’est pas seulement la langue française, celle que l’on entend, que l’on parle, c’est également une communauté de valeurs, c’est une identité culturelle et à travers l’OIF, nous ressentons très fortement cette appartenance à la francophonie. Nous sommes francophones au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi francophones sur le plan international.
J&L : Parmi les compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles, aucune n’est directement liée à ce qu’on pourrait appeler “la chose économique”, tels l’emploi à proprement parler, l’entreprise, etc. Est-ce que, malgré cela, la Fédération Wallonie-Bruxelles est une actrice économique dans notre société ?
P-Y Jeholet : C’est une très bonne question. De prime abord, il n’y a pas, au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de compétences liées à l’activité économique, à la croissance, au monde de l’entreprise. Mais en fait, il y a une compétence clé pour le monde de l’entreprise, pour l’économie, pour relever les défis sociaux et économiques de demain, les défis environnementaux et climatiques, les défis sociétaux. Il s’agit évidemment de l’éducation et des enseignements, obligatoire, mais aussi supérieur, qui sont essentiels pour l’activité économique, pour la création de richesses, pour le monde de l’entreprise. Il faut des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi qualifiés, formés aux nouvelles technologies, aux différents métiers, aux métiers d’avenir ou numérique. La jeunesse est la clé.
Il faut qu’elle puisse évidemment être formée, qualifiée et avoir accès à un enseignement de qualité. De là provient tout le défi du Pacte pour un Enseignement d’Excellence au niveau de l’enseignement obligatoire dont le but est d’améliorer la qualité de celui-ci. Du côté de l’Enseignement supérieur, un refinancement important a été réalisé. Si une attention particulière n’est pas apportée à l’Enseignement, c’est-à-dire en amont de la formation, une grosse faiblesse pour le monde économique va se créer.
J&L : Est-ce que les libéraux francophones en ont suffisamment conscience ?
P-Y Jeholet : Le fait d’être aux responsabilités ne nous permet pas d’être dans des slogans et dans de grandes déclarations. La société évolue, les enfants évoluent, les parents évoluent et j’ai toujours déclaré que l’on peut mettre en œuvre toutes les réformes que l’on souhaite dans l’éducation et dans l’enseignement, il restera toujours une question, celle des valeurs. Si certaines valeurs ne sont pas mises en avant dans le monde de l’école, comme la responsabilisation des parents, nous n’atteindrons pas les objectifs fixés dans les réformes. Nous ne pouvons pas reporter sur l’école et sur l’enseignement ce que l’on ne fait pas chez soi, au sein de son foyer.
Le respect en général, celui de l’autorité, celui de son directeur, de sa directrice, des enseignants, du travail, de l’effort, du mérite… Ce sont ces valeurs que nous voulons remettre au cœur de toutes les écoles car le constat est qu’elles sont, parfois, présentes, à des degrés divers.Il est donc important de faire les réformes et de travailler autour de ces valeurs.
Oui, il y a une prise de conscience, parce qu’en tant que libéraux, nous sommes fortement attachés à la création d’activité économique, à la création de richesses, à la création d’emplois. Afin d’y parvenir, il faut avoir les bonnes bases et ces bases, c’est à partir de l’enseignement maternel qu’on les développe et ainsi de suite tout au long du parcours scolaire.
J&L : Estimez-vous que l’on en fait assez pour la francophonie en Belgique ?
P-Y Jeholet : Oui, je pense qu’on en fait assez, bien que l’on n’ait peut-être pas, comme je l’ai dit, ce sentiment d’appartenance à une nation francophone. Moi, je dis toujours que je suis fier d’être Européen, fier d’être Belge et fier d’être francophone. On en fait assez parce que notre destin de francophone est entre nos mains et que notre jeunesse est notre atout. Il ne faut pas toujours regarder ce qui se passe ailleurs et “complexer”.
J&L : Qu’entend-on par « culture » au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
P-Y Jeholet : Il y a différents éléments à citer. Il y a évidemment le soutien à la Culture, à des opérateurs, à des artistes, à des manifestations culturelles ou à des dispositifs tels que le Parcours d’Éducation Artistique et Culturel. Le soutien passe également par une écoute et un dialogue avec les multiples commissions d’avis sectorielles.
La Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles est un secteur économique à part entière. Il est donc indispensable que les pouvoirs publics la soutiennent. La Culture, c’est de l’économie, c’est de la création d’activité, d’emplois, de centaines de milliers d’emplois. Elle est aussi vectrice d’émancipation et d’évolution de chacune et chacun. Elle est donc très importante.
Le problème en Fédération Wallonie-Bruxelles, pour le libéral que je suis, c’est qu’il existe côte à côte une culture « subsidiée » et une culture que je qualifierais d’ « indépendante », qui, elle, ne l’est pas. Je le dis d’emblée, le problème ne se situe pas dans le fait de subsidier ! Il faut cependant admettre que si on peut subsidier une infrastructure, une manifestation, il faut quand même qu’il y ait un peu de monde, à un moment donné, qui s’y intéresse.
Moi, j’entends tout le discours sur la culture émergente qu’il faut soutenir, mais si l’ensemble ne prend pas, il ne prend pas. A contrario, j’ai beaucoup contribué à ce que l’humour, par exemple, soit considéré comme une culture à part entière. J’ai entendu dire qu’il s’agissait d’une culture « non aboutie », une culture « populaire »… Pourtant la création y est très importante et le public suit. Des structures, des manifestations, des artistes, remplissent des salles. Mais ils ont du mal, parfois, à être un peu aidés alors qu’ils en auraient besoin.
À côté, il y a des structures ou des manifestations qui attirent de moins en moins de monde et qui continuent à être largement financées et subsidiées avec de l’argent public. Je pense qu’il y a un équilibre à revoir. Il nous faut subsidier de façon plus intelligente et plus équilibrée . Le budget n’est pas illimité et l’on ne peut pas le gonfler sans cesse.
C’est là une vision de société, une vision de la culture, que ne partagent pas nécessairement nos partenaires.
J&L : Au vu de la situation financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pensez-vous que cela va amener d’autres personnes, voir partenaires, à rejoindre votre point de vue ?
P-Y Jeholet : Certainement et je l’espère parce que c’est impossible de faire autrement quand on a une dette qui risque d’être bientôt plus importante que les recettes que l’on a sur une année. Il faut se poser des questions quand on a un déficit, aujourd’hui, de 14 milliards d’euros et que le déficit dans les années suivantes, à situation inchangée, risque d’augmenter. Cela dépend évidemment beaucoup de facteurs macroéconomiques, des recettes fédérales. Et des choix s’imposeront également dans les autres entités, pas seulement en Fédération Wallonie-Bruxelles qu’on pointe souvent du doigt, alors que nous n’avons pas de leviers fiscaux.
J’inviterai, pour la prochaine législature, à un changement de cap parce que nous allons droit dans le mur si on ne prend pas, non pas des mesures d’austérité, mais des mesures « en bon parent de famille ».
J&L : Nous avons effleuré la question au début de l’entretien, mais estimez-vous qu’il existe une Culture belge francophone à part entière ?
P-Y Jeholet : Au sein même de la francophonie, la Culture n’est pas la même en fonction des régions. Si vous prenez, par exemple, des humoristes belges, congolais, français, suisses, tunisiens ou québécois, ce sera un humour différent car la sensibilité est différente. Et cette différence, c’est la richesse, c’est la diversité culturelle.
Donc, oui, il y a une Culture belge francophone grâce à nos artistes et à nos talents. On le voit particulièrement dans le monde de la musique, hier et aujourd’hui. On a toujours dit que Johnny Hallyday était Français alors qu’il était né belge. Quand on voit Stromae ou Angèle… Dans le sport aussi, nous avons des talents, comme dans le monde académique! Et là, je me dis que parfois, nous, les francophones, ne sommes pas assez fiers et pas assez « chauvins ».
Notre spécificité vient peut-être de la taille de notre fédération francophone enclavée dans un petit pays, qui voit se multiplier les exemples de talents. Mais, au final, la Culture n’a pas de frontière et même s’il y a des différences entre les régions de la francophonie, la langue française nous rassemble toujours. Elle est le moteur de la francophonie.
J&L : Est-ce qu’il y a des balises, des limites, à respecter dans le champ culturel ?
P-Y Jeholet : Je suis journaliste de formation et je suis donc fortement attaché à la liberté d’expression. La Culture est une façon de pouvoir s’exprimer. Pour moi, les limites, ce sont les artistes et chacune et chacun qui doivent se les donner.
Personnellement, même si je suis attaché à la liberté d’expression, j’admets qu’il y a des choses que je ne dirai jamais. Je pense que pour les artistes, c’est la même chose. Ils doivent, à un moment donné, par rapport à des situations, notamment de souffrance et, ou, compliquées, se donner certaines balises. Mais ce n’est pas à nous de les imposer ! Sinon, nous en arrivons au final à museler les artistes. Cela devient de la censure.
Après avoir dit cela, regardons la réalité telle qu’elle est. La Culture véhicule évidemment des valeurs», pour simplifier souvent de gauche, qui sont fortement véhiculées dans le monde culturel, des valeurs spécifiques à un public. Dès lors, on en arrive à une forme de Culture élitiste qui attire peu de monde.
Je ne vois aucun problème à parler, par exemple, d’immigration dans un spectacle, car il y a différents moyens de faire passer un message. Mais quand ce message devient culpabilisateur, « donneur de leçons », quand cela devient de l’endoctrinement, je n’approuve pas. La culture doit ouvrir l’esprit du public, lui permettre de se remettre en question, sans parti pris, sans chercher à l’accabler.
De là, nous en arrivons à la Culture subventionnée et aux spectacles et manifestations qui sont très orientés avec un message politique. Il y a un déséquilibre ici aussi.
J&L : Vous plaidez pour une plus grande diversité dans le soutien à accorder ?
P-Y Jeholet : Oui. Je ne suis pas en charge de la culture, mais c’est un débat que j’ai souvent avec la ministre de la Culture Bénédicte Linard. Quand j’analyse certaines programmations de centres culturels et autres opérateurs culturels, je constate que la diversité est marginale. Nous en revenons à la question de la Culture « indépendante » qui n’est pas subventionnée. Il y a un équilibre à revoir.
J&L : Est-ce que ce que l’on pourrait appeler la « culture classique » est assez mis en avant au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en particulier auprès de la jeunesse ?
P-Y Jeholet : Oui. Deux grandes institutions liégeoises me viennent directement à l’esprit. L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège et l’Opéra Royal de Wallonie, dont la Fédération Wallonie-Bruxelles est un partenaire. Ceux-ci ont vraiment réalisé un effort en termes de « démocratisation » en général et aussi, plus spécifiquement, d’accessibilité pour les jeunes, ce qui n’est pas évident. Aujourd’hui, leurs programmations attirent beaucoup plus de jeunes.
Personnellement, j’ai assisté à une très belle représentation du Carnaval des Animaux (une suite musicale composée par Camille Saint-Saëns en 1886, ndlr) à l’Orchestre Philarmonique Royal de Liège. Cette démarche s’adresse avant tout aux jeunes enfants et je pense que l’on doit poursuivre ces initiatives qui ouvrent les portes d’une institution classique à des jeunes. Cet exemple démontre qu’il y a des initiatives autour de la culture « classique » à destination des jeunes qui sont organisées par des institutions.
Mais il y a également une mise en contact qui doit être réalisée dans le cadre du parcours d’expression culturelle et artistique, qui ne doit pas être que de l’initiation à la musique ou à la danse. L’art plastique, le design, la peinture, le numérique ou encore l’architecture sont également des formes d’art à prendre en compte. Elles sont constitutives des « industries culturelles créatives ».
J&L : Georges Bernanos a écrit : « Hélas ! c’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents ». Que pensez-vous de cette citation ?
P-Y Jeholet : Je la trouve très juste et je n’ai de cesse de le dire quand je vais prendre la parole à des conférences, etc. Lorsqu’on parle de la situation financière (de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ndlr) et que certains affirment qu’elle est maîtrisée, je ne suis pas du tout d’accord. À un moment donné, il y a toujours quelqu’un qui la paie et ce sont les générations futures qui vont la payer, au comptant et non en s’endettant comme aujourd’hui.
Lorsque l’on observe tous les services et offres fournis aujourd’hui, tels que le sport, la jeunesse, la culture, etc., nous ne pourrons plus arriver à le faire si nous poursuivons sur la voie de l’endettement. Notre système d’éducation, notre système de pension, notre système de solidarité au niveau national, nous n’y arriverons plus. La jeunesse est évidemment hyper importante. Cette jeunesse, que l’on forme, qui se forme, va rencontrer des défis importants à relever, de plus en plus compliqués, et nous devons investir dans cette jeunesse, l’épauler.
Je le dis d’autant plus que je suis favorable au soutien des associations de jeunesse, quelles qu’elles soient. C’est une école de vie remarquable. Je voudrais également ajouter que nous avons tendance, dans notre société, à présenter d’un côté « les jeunes » et de l’autre, « les autres ». Les jeunes font partie intégrante de la vie de notre société. Je prends comme exemple les jeunesses dites « politiques ». Si nous voulons véritablement soutenir les jeunes, il ne s’agit pas seulement de s’intéresser à leurs activités et à leur donner la parole, il faut leur offrir des opportunités.
Bientôt auront lieu les élections à différents niveaux de pouvoir. Il faut que des jeunes soient bien « positionnés » sur les listes électorales et qu’on leur fasse confiance. J’y serai très attentif au sein du Mouvement Réformateur.
J&L : Quel idéal vous portait durant votre jeunesse ?
P-Y Jeholet :J’ai toujours eu un intérêt à un engagement pour la chose publique, au sens collectif du terme, mais pas nécessairement politique. Pour commencer, j’ai beaucoup pratiqué le football et j’ai ensuite entraîné des équipes de jeunes. Je suis devenu coordinateur dans un club, j’étais l’un des plus jeunes. Je le faisais pour jouer au foot, mais aussi parce que le foot est un facteur d’inclusion sociale extraordinaire.
Ensuite, nous avons géré, avec mon frère aîné, une maison de jeunes en milieu rural, sans agrément, pendant dix ans. On faisait des activités pour les jeunes, comme des journées de kayak. On se voyait tous les vendredis soirs, on jouait au kicker, on buvait un verre.
Il faut dire que nous avons un tissu associatif, chez nous, assez extraordinaire à tous les niveaux, dans les écoles, dans les clubs, dans les ASBL, avec beaucoup de personnes qui s’investissent. C’est extraordinaire !
Cet engagement est ensuite devenu politique, lorsque ma conception de la société s’est forgée. Tout comme dans mes engagements précédents, ma volonté était de m’engager pour l’intérêt général, pour le bien commun. J’ai commencé par un engagement au niveau communal, car cela se rapproche beaucoup de l’engagement dans une structure de jeunesse ou dans un comité de parents d’une école. Il y a beaucoup de travail, beaucoup de responsabilités.
J&L : Est-ce que le fait d’être devenu ministre, précédemment dans le gouvernement wallon et aujourd’hui à la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est en quelque sorte l’aboutissement de ces engagements ?
P-Y Jeholet : Je ne sais pas si c’est un aboutissement, car on ne choisit pas sa carrière ou son parcours politique. Une des plus dures décisions que j’ai dû prendre a été d’accepter d’être ministre. Je me suis battu pendant des années pour Herve, en tant que conseiller communal puis en tant que bourgmestre, à partir de 2012.
Et puis arrive 2017 qui est une année un peu particulière (chute du Gouvernement Magnette et coalition du Mouvement Réformateur et du Cdh au Gouvernement). J’étais chef de file de l’opposition au Parlement de Wallonie et j’ai dû prendre une décision difficile, car je ne pouvais assurer le mandat de bourgmestre et de ministre. Cela a représenté une décision très difficile, aucune solution n’était évidente. Ça n’est donc pas un aboutissement pour moi.
J&L : Quels conseils donnez-vous aujourd’hui à des jeunes ?
P-Y Jeholet : En premier lieu, d’être curieux, de « toucher à tout ». Ensuite, de réfléchir sans s’emprisonner dans la réflexion. Et enfin, de saisir les opportunités qui s’offrent à eux.
Je vais illustrer le propos avec mon cas personnel. À la mort de Jean Gol (en 1995, ndlr), un député provincial que je connaissais bien de par mon travail (de journaliste à Radio Ciel, ndlr) a suggéré à Didier Reynders, que je connaissais également, de me recruter. Après une matinée de discussion à deux, j’ai fait un choix : soit rester journaliste et rater une opportunité ou franchir le pas, mais ne plus pouvoir redevenir journaliste, métier que j’affectionnais. Le lendemain, j’acceptais sa proposition et je ne l’ai jamais regrettée.
Il ne faut jamais regretter de saisir des opportunités, de faire des choix. C’est la vie même. Même si l’aventure avait tourné court, je n’aurais pas regretté. Je me serais relevé encore plus fort. C’est cette mentalité qui anime beaucoup d’entrepreneurs. Au final, c’est la liberté qui doit nous guider dans la vie, vous guider, vous, les jeunes.
J&L : Liberté sera le mot de la fin ?
P-Y Jeholet : Exactement ! (rires, ndlr)