
Le Ministre des classes moyennes, Willy Borsus a mis en action des mesures afin de soutenir les PME et les indépendants. L’investissement dans les PME est, en effet, primordial car elles représentent 99% des entreprises belges. Ces mesures passent, entre autres, par la réduction des charges patronales, le seuil d’exemption de la TVA, l’accès à un deuxième pilier de pension, l’alignement de la pension minimale, la promotion grâce au crowdfunding et le soutien à la seconde chance.
Le Ministre a été plus loin en donnant une définition légale de l’artisan (entrée en vigueur le 1er juin 2016). Celle-ci va permettre de délivrer un label à tout candidat artisan qui en fait la demande. Cette année, 732 artisans ont été reconnus.
Dans ce besoin de compétitivité, d’expansion et de libéralisation des marchés, le secteur de l’artisanat est lui aussi soutenu par ce type de mesure. Bien que ce secteur bénéficie d’une image positive auprès du grand public, il n’est pas souvent perçu comme innovant, même parfois comme passéiste et inadapté à la globalisation de par son ancrage local et social.
Pourtant, ce secteur a un rôle économique non négligeable en termes de création d’emplois et de maintien et de renouvellement du système de production. Lorsque nous regardons les chiffres, on dénombre 271.055 entreprises actives dans le secteur de l’artisanat en 2010, ce qui au regard des 768.759 entreprises actives en Belgique représente près de 35,2% de l’ensemble des sociétés assujetties à la TVA.
Nous pourrions croire qu’artisanat et modernité sont deux concepts antagonistes, pourtant le lauréat 2016 pour le prix du public et le prix du web marketing de la Vitrine de l’Artisan, Thierry Depuydt, artisan boucher affineur à Peruwelz, en démontre le contraire avec son entreprise Côte à l’Os. Il montre parfaitement la manière dont son métier issu de la tradition peut tirer profit des nouvelles technologies. L’artisan est le dépositaire de traditions anciennes, de techniques éprouvées, d’une culture qu’il enrichit et adapte au gré des évolutions de la société et des goûts de sa clientèle.
Mais, il exerce aussi une fonction de lien social qui permet l’intégration de la jeunesse dans la société au travers de la formation. Ce lien social s’exerce grâce à la qualité et la diversité des produits/services offerts par l’artisan augmentant ainsi la qualité de vie des citoyens au quotidien.
Rencontre avec Anne de la Besace
Chargée de projets à la Besace. Je coordonne des projets variés allant de la recherche de subsides à la création et la mise en place du projet. La Besace réalise beaucoup de projets de sensibilisation avec les jeunes par rapport à différentes thématiques qui vont de l’esprit d’entreprendre jusqu’à la sensibilisation aux handicaps et à l’environnement.Pouvez-vous me présenter le concept de la Vitrine de l’Artisan et les objectifs poursuivis ?
Le concours est né il y a déjà 12 ans. L’objectif était de valoriser les métiers de l’artisanat et manuels auprès des jeunes. Pour y arriver, on s’est dit que la meilleure des façons, c’était de mettre en avant des artisans de qualité qui pourrait servir d’exemple pour ces jeunes. Depuis 12 ans, le concours met en avant 10 artisans qui deviennent, en quelque sorte, les ambassadeurs du secteur. Ces artisans représentent des exemples positifs tant pour la qualité de leurs produits mais aussi pour leur management, leur marketing, leur communication ainsi que leur transmission de savoir vers les jeunes.Chaque année, on essaie d’organiser une visite des ateliers des lauréats à laquelle on associe des jeunes pour essayer de leur faire découvrir des métiers moins connus. Pour des jeunes déjà dans ce type de filière de formation, l’objectif est de leur montrer comment l’artisan travaille au quotidien mais aussi, ce que celui-ci doit mettre en place en plus de son métier. Il n’y a pas que le travail manuel, il y a aussi la gestion des factures, les contacts avec les clients.Depuis deux ans, pour renforcer ce volet « jeunes », on a mis en place le prix de l’apprenti. Ce prix met en valeur des jeunes qui se forment de manière qualitative aux métiers de l’artisanat.
Pour nous, c’est vraiment important car ce sont de jeunes qui peuvent servir d’exemple à d’autres jeunes grâce à leur passion et leur motivation pour leur métier.
Le secteur de entrepreneuriat et de l’artisanat doivent-il être perçus comme distincts ou complémentaires ? Pourquoi ?
Pour nous, c’est tout à fait complémentaire. Pour la Besace, les artisans sont des entrepreneurs. Actuellement, il y a beaucoup de jeunes qui osent se lancer. Il faut oser entreprendre, il faut savoir se lancer surtout dans le secteur de l’artisanat où souvent les artisans sont un peu isolés dans leur petit atelier.
Mais on constate qu’il y a beaucoup d’artisans qui mettent en place des stratégies pour pouvoir se développer. D’ailleurs, il y a des petites sociétés qui se créent.On sait qu’il y a une limite entre ceux qui se développent de manière importante estimant qu’ils font encore de l’artisanat malgré qu’ils emploient plus de vingt personne et ceux qui ont des petites entreprises employant une dizaine de personnes et faisant un travail artisanal. Pour moi, un artisan est un entrepreneur. Mais tout entrepreneur n’est pas un artisan.
Les mesures du Ministre des Classes Moyennes, Willy Borsus ont-elles un impact positif sur le secteur de l’artisanat ?
Oui, tous sont contents de ce qui se met en place mais ce n’est jamais suffisant. Petit à petit les choses bougent et beaucoup sont contents des mesures du Ministre, notamment par rapport à la reconnaissance de leur statut. Cela montre la qualité du secteur et une reconnaissance générale de celui-ci. Cela permet aussi de faire une distinction entre la personne faisant un artisanat au sens d’un hobby et ceux faisant un artisanat professionnel. Maintenant, il y a toujours des mécontents. Je pense que d’autres mesures fiscales et financières leur feraient du bien.
Comment encourager les jeunes vers l’artisanat ?
Nous ce que l’on essaie de faire, c’est d’abord de revaloriser les métiers de l’artisanat. Si on trouve que cela évolue, on constate cependant qu’il y a un schéma classique de la part des parents préférant envoyer leurs enfants dans une filière traditionnelle. De plus, dans le système scolaire actuel, c’est au moment de l’échec que les jeunes sont renvoyés vers les filières professionnalisantes.On en reparlait d’ailleurs au moment du concours.
Cette attitude est-elle dépendante de la génération ?
Peut-être que nos parents sont encore dans la filière traditionnelle alors qu’avec nos enfants, il y a un changement de mentalité possible. En emmenant des jeunes aux visites, on se rend vraiment compte qu’ils découvrent des métiers qu’ils ne connaissent pas et qu’en plus,ce sont des métiers très chouettes. Souvent, nos artisans sont passionnés et motivés et cela se ressent directement auprès des jeunes.
Cela ouvre un peu les yeux des jeunes sur la question de la motivation quant à leur choix de carrière professionnelle. Certains des artisans disent que pour eux, ils ne considèrent pas leur métier comme un travail car ils ont du plaisir à se lever chaque matin pour faire leur artisanat.Lors des visites, nous avons rencontré des professeurs qui avaient déjà réalisé ce type de visite avec leurs élèves dans le but d’ouvrir les jeunes à la diversité des métiers. Même nous, au niveau de la Besace, on commence à réfléchir sur un outil permettant l’orientation scolaire à partir du primaire. Mais, à cet âge-là, l’objectif est d’ouvrir les élèves à différents univers : créatif, manuel, intellectuel, industriel.
L’objectif premier de cet outil serait que les élèves prennent conscience de l’existence de ces différents univers. De plus, cet outil permettrait de sortir des schémas liés aux filières classiques et surtout montrer que dans les autres filières, le niveau est équivalent aux filières traditionnelles.