[Cet article devait être initialement publié au sein du numéro 21 du Libre² du mois de mai 2021.]
De quoi et de qui parle-t-on ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut préciser ce qu’on entend par le concept de « classes moyennes ». Nous en parlons au pluriel en ce sens qu’elles regroupent une variété de conceptions au sein d’un ensemble lui-même assez vaste.[1] Concept protéiforme, il n’est pas possible de lui accoler une définition unique, claire et concise. Par conséquent, nous préférons retenir ici trois approches couramment utilisées pour définir les classes moyennes ; chacune ayant des limites et une grille de lecture propres.
La première approche est économique ; elle analyse revenus et niveaux de vie. Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) établit que les classes moyennes sont celles qui bénéficient d’un revenu allant de 75% à 200% du revenu national médian (la fourchette de 70 à 150 % est aussi couramment utilisée[2]). En fonction de cette échelle, 61% des habitants de l’OCDE en font partie. La Belgique suit la même tendance, avec 65% de ses habitants.[3] En France, l’Observatoire des inégalités précise l’existence de trois classes de revenus. Parmi celles-ci, les classes moyennes se situent entre les 30% les moins bien payés (classes populaires) et les 20% les mieux payés (classes aisées) ; elles représentent donc 50% de la population française. En termes chiffrés, une personne seule appartient aux classes moyennes avec un revenu disponible[4] allant de 1300 à 2300 euros. Pour un couple, sans enfant, la fourchette se situe entre 2500 et 4500 euros. Par ailleurs, l’Observatoire ne nie pas le caractère imparfait, subjectif et limité de la démarche retenue.[5] Le danger de l’approche de classification par le revenu est qu’elle n’est pas toujours conforme à la réalité vécue par tout un chacun. Il faut aussi tenir compte du contexte familial, de la situation professionnelle, de la position hiérarchique, du coût du logement occupé, du mode de vie, etc., autant de paramètres susceptibles d’influencer l’appartenance ou non aux classes moyennes.[6] C’est le principal écueil d’une approche strictement centrée sur les statistiques.
La seconde approche touche à la sociologie ; elle classifie les professions et catégories socioprofessionnelles, mais s’intéresse aussi aux capitaux culturels, aux modes de vie, aux niveaux d’éducation. Éric Maurin, sociologue et économiste, précise qui compose les classes moyennes : y sont représentées les « professions intermédiaires » (professeurs, infirmiers, agent de maitrise, etc.) auxquelles doivent être ajoutés les petits commerçants et artisans. Soit 30% de la population active française.[7] En plus des professions citées ci-avant, il n’est pas rare de leur adjoindre une partie des travailleurs exerçant la fonction de cadre.[8] Précisément, d’après Sophie Pochic, les cadres « constitueraient la fraction supérieure des nouvelles classes moyennes salariées, à la frontière des classes supérieures[9] ». Ce qui nous fait dire que les classes moyennes représentent un ensemble hétérogène et sont l’écho de réalités (professionnelles et économiques) fondamentalement différentes selon que l’on occupe le haut ou le bas de celles-ci. Dès lors, l’usage du critère de la profession pour délimiter l’appartenance aux classes moyennes ne semble pas être des plus adéquats, du moins pas seul. Ce critère a notamment le désavantage de « fai[re] partiellement l’impasse sur une dimension essentielle de l’analyse des classes moyennes, à savoir le facteur qualitatif lié à la position sociale, pour ne pas dire le prestige social.[10] »
La troisième et dernière approche a trait au sentiment d’appartenance. Ici, il est demandé à la population de s’auto-positionner. Pour donner un ordre d’idée, à la suite d’un sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), il apparait qu’entre 2008 et 2019, la part de Français estimant faire partie aux classes moyennes est passée de 70 à 58%.[11] À plus large échelle, il faut souligner que la majorité des habitants des pays membres de l’OCDE estiment appartenir aux classes moyennes. Le taux étant particulièrement élevé dans les pays nordiques, aux Pays-Bas ou encore en Suisse, à l’inverse de pays tels que le Portugal, le Brésil et le Royaume-Uni.[12] Naturellement, cette approche pêche pour son manque d’objectivité. L’économiste Philippe Defeyt résume d’ailleurs en une phrase la difficulté de se baser sur ce seul critère : « Personne n’aime se dire pauvre, personne n’aime se dire riche[13] ».
Un groupe en proie au déclassement
À la base dudit article, il y a notamment le souhait de creuser l’idée selon laquelle les classes moyennes vivent un déclassement. Dans la littérature, il est généralement admis trois grands types de déclassement.[14]
- Le déclassement intergénérationnel, aussi appelé « mobilité sociale descendante », correspond au fait d’occuper une position sociale inférieure à celle de ses parents.
- Le déclassement intra générationnel correspond au déclassement social d’une personne entre le début de sa vie active et la fin de celle-ci. Ceci surviendra notamment en cas de période de chômage.
- Le déclassement professionnel correspond à la situation selon laquelle une personne occupe une profession d’un niveau inférieur (« moins prestigieux ») par rapport au diplôme obtenu.
Alors, les classes moyennes sont-elles concernées par un déclassement ? Nous allons le voir, le débat est loin d’être tranché. Dans le rang des tenants du déclassement, on retrouve, entre autres, le sociologue français Louis Chauvel. Ce dernier dresse un tableau particulièrement noir du vécu des classes moyennes qui, de son point de vue, sont en plein dans une « spirale du déclassement systémique[15] » qui s’expliquerait par la fragilisation des sept piliers[16] sur lesquels leur existence repose : une société basée sur le salariat ; un salaire moyen permettant de mener une vie décente et d’acquérir un logement ; la généralisation de la protection sociale rendue possible par l’accès au salariat ; l’extension de l’accès de toujours plus d’individus à l’enseignement ; une croyance en le progrès ; l’investissement des syndicats, mouvements sociaux et d’associations permettant le contrôle de la sphère politique ; « la promotion d’objectifs politiques mesurés, équilibrés au regard des contraintes réelles ». Pour l’auteur, un déni est trop souvent posé sur la condition réelle des classes moyennes qui elles, en contrepartie, voient leur frustration et ressentiment s’accroitre.[17] Bercées d’illusions et de promesses non rencontrées, elles seraient objectivement menacées par des maux qui, voici une quinzaine d’années, touchaient quasi exclusivement les catégories populaires.[18] Dit en des termes plus métaphoriques, l’auteur assimile cette situation à la décomposition d’un morceau de sucre dans une tasse de café : « la partie supérieure de la société semble toujours intacte, mais l’érosion continue de la partie immergée la promet à la déliquescence[19] ».
A côté de cela, certains réfutent l’idée même de l’existence d’un déclassement. C’est notamment le cas d’Éric Maurin qui s’était, en 2012, déjà prononcé en la défaveur de cette thèse, dans un ouvrage cosigné avec le sociologue Dominique Goux, arguant au contraire de de la capacité des classes moyennes à résister et à maintenir leur position depuis la fin des Trente Glorieuses.[20] Selon Éric Maurin, une analyse chiffrée de l’évolution du statut social ou scolaire permet d’affirmer que seule une frange minoritaire des personnes composant les classes moyennes font en réalité l’expérience d’un déclassement ; la majorité, elle, étant indemne.[21] D’autres suggèrent une approche plus nuancée. Pour Camille Peugny, le déclassement est tantôt objectif, tantôt subjectif, selon qu’on appartient à la partie inférieure ou supérieure des classes moyennes. Si l’on suit son point de vue, les rangs inférieurs des classes moyennes sont effectivement en proie à un réel déclassement, mais la donne est tout autre pour les rangs supérieurs qui, du fait de leurs conditions économiques et culturelles, parviennent à se maintenir au rang des classes moyennes, voire, pour les mieux loties, de rejoindre les classes les plus aisées. Autrement dit, parler de déclassement pour les classes moyennes n’est pas incorrect, mais il faut veiller à contextualiser le déclassement dont on croit être l’objet au regard de sa propre situation objective.
Et si, finalement, plus que du déclassement effectif, c’est de la peur du déclassement qu’il faudrait questionner ? Présente dans les esprits d’un nombre toujours plus important de citoyens et révélatrice d’un mal profond qui guette nos sociétés, on la dit « encore plus néfaste pour l’économie […] que son existence réelle[22] ». Dans son ″Portrait des classes moyennes″, la Fondation pour l’Innovation politique affirme que la « crainte du déclassement constitue un marqueur important [des classes moyennes][23] », et ce plus encore que l’expérience réelle d’un déclassement social par celles-ci. Conscientes de la fragilité de la conjoncture actuelle, les classes moyennes seraient en fait des terreaux idéals au développement de l’angoisse et anxiété à l’aune d’un avenir empli d’incertitudes. Mais soit, si l’existence d’une crainte du déclassement au sein de la population est avérée, elle ne doit pas cacher l’existence d’un déclassement effectif, du moins pour une partie des classes moyennes.
Un amoncellement de difficultés
Entamons cette partie sur une base chiffrée en reprenant les données récoltées par l’OCDE. Sur une échelle mondiale, depuis 1980, l’organisation soutient que les classes moyennes de ses pays membres[24] sont passées en moyenne de 64 à 61%. Au terme de chaque décennie, 1% de la population quitte les rangs des classes moyennes.[25] Ce chiffre témoigne d’un lent déclin…mais d’un déclin quand même. L’étude de l’OCDE fait également mention d’une difficulté croissante pour les jeunes générations de rejoindre les classes moyennes.[26] En revanche, si la thèse d’une forte « dé-moyennisation » semble valable pour les pays développés, elle prend un chemin inverse pour les pays dits émergents qui connaissent en effet un véritable essor des classes moyennes.[27]
Que l’on décide d’accoler aux classes moyennes (des pays développés) les termes de délitement, d’affaiblissement et de déclin, le constat est clair : elles vivent des temps incertains. Pour comprendre comment elles ont en sont arrivées là, citons une liste non-exhaustive de phénomènes, de difficultés qui pèsent sur leur existence.
Premièrement, il faut pointer la polarisation du marché de l’emploi. Ce phénomène désigne la contraction des emplois intermédiaires au détriment de la croissance des emplois hautement qualifiés et très bien rémunérés et des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés. En termes chiffrés, si l’on prend le cas belge, entre 1999 et 2016, l’on constate « une baisse de l’emploi moyennement qualifié de 5,4 points de pourcentage, tandis que l’emploi très qualifié a progressé de 3,4 points et celui des peu qualifiés de 1,9 point[28] ». La donne est la même chez nos voisins d’Outre-Quiévrain. Une étude du Centre pour la Recherche Économique et ses Applications évoque pour « le marché du travail du secteur privé français […] une forte polarisation de l’emploi[29] » qui a résulté en la disparition d’emplois des classes moyennes[30]. Sans surprise, la tendance se vérifie aussi en Europe.[31] Grégoire Verdugo, spécialiste du marché du travail, voit en la révolution informatique et numérique l’un des principaux facteurs derrière la polarisation de l’emploi. Celui-ci fait d’abord mention d’un remplacement par « l’ordinateur » des emplois intermédiaires dans le secteur industriel ainsi que dans celui des services. Ces emplois, dont l’activité correspond principalement à des tâches dites « routinières », ont souffert de l’informatique et fini par être automatisés. D’après l’auteur, les différentes catégories de travailleurs n’ont pas géré l’arrivée du progrès technologique de la même manière polarisant ainsi le marché du travail. Tantôt, celui-ci est occupé par des personnes aux emplois hautement qualifiés avec des salaires élevés pour lesquels l’ordinateur n’est en rien un concurrent (programmeur, analyste financier, ingénieur, etc.). Ceux-ci sont pleinement bénéficiaires dudit progrès. Tantôt, s’y retrouvent des personnes occupant des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés (aide-soignant, serveur, vendeur, etc.). Considérés comme non routiniers, ces emplois requièrent un faible niveau d’études et sont difficilement remplaçables par des machines.[32] Dans le futur, il restera à voir comment l’évolution de l’intelligence artificielle et de la robotique impactera ces emplois, mais c’est assurément un autre débat[33]. Au milieu de ces deux pôles en croissance, l’on retrouve les emplois intermédiaires dont l’existence est menacée de destruction[34] ; des « emplois moyennement qualifiés […] souvent occupés par des personnes appartenant[35] » aux classes moyennes. La boucle est bouclée. Et Grégoire Verdugo d’ajouter que le second facteur à jouer un rôle dans la polarisation du marché du travail est le commerce international. Dès le moment où ce dernier s’est intensifié avec les pays en développement, une logique implacable s’en est suivie : les pays riches ont réorganisé leurs activités et décidé de ne garder, sur leur sol, que les tâches les plus sophistiquées (à forte valeur ajoutée) favorisant de ce fait les emplois qualifiés. En contrepartie, les tâches de production (« routinières ») ont été externalisées vers les contrées où le coût du travail est beaucoup plus intéressant pour les acteurs industriels. Nombre d’emplois intermédiaires, principalement dans l’industrie, ont donc été directement perdus.[36]
Deuxièmement, il faut pointer des considérations économiques liées notamment aux revenus, au coût de la vie, au pouvoir d’achat… C’est ce qu’a fait l’OCDE, dans son rapport de 2019, dans lequel l’organisation a analysé l’état des classes moyennes de ses pays membres. Durant ces trente dernières années, l’OCDE précise que les revenus des classes moyennes « n’ont quasiment pas augmenté et ont même stagné dans certains pays[37] ». Plus édifiant encore, elle ajoute que « les revenus médians ont augmenté d’un tiers de moins que le revenu moyen des 10 % les plus riches[38] ». Parallèlement à cette (non)-évolution, l’OCDE pointe une autre problématique : la hausse du coût de la vie, visible à plusieurs niveaux, à savoir le coût du logement, l’éducation, la santé ; des biens et services que l’on associe généralement à la condition de vie des classes moyennes. Ceux-ci ont vu leur prix augmenter plus rapidement que l’inflation globale.[39] Le problème étant aussi que la courbe des revenus ne suit pas celle de ces coûts. Prenons, par exemple, les dépenses allouées au logement. L’analyse de celles-ci démontre que les classes moyennes lui consacrent une part toujours plus importante de leur revenu disponible (un tiers contre un quart en 1990), sans compter la hausse vertigineuse du coût que représente l’acquisition d’un logement.[40] Gardons à l’esprit que la dynamique évoquée ici, par l’OCDE, est globale et doit être contextualisée en fonction des variations entre chaque pays. Enfin, si l’on prend le cas belge, le poids des dépenses contraintes (coûts fixes et réguliers) liées au logement (le loyer, le remboursement d’un prêt, l’électricité, l’eau, les assurances, etc.) représente en moyenne 30,3% du panier global des dépenses d’un ménage, soit une augmentation considérable par rapport à 1999.[41] Il y a le poids de ces dépenses, et puis, il y aussi le prix de l’immobilier. Le prix de l’immobilier belge étant ce qu’il est, il faut admettre la difficulté de plus en plus grande, notamment pour les jeunes et primo-acquéreurs, d’acquérir un bien immobilier. Sans l’aide des parents ou sans un apport suffisant, la perspective d’un achat s’assombrit. On peut aussi regretter le rôle des banques, de plus en plus frileuses au moment de prêter.
Ceci étant dit, attardons-nous un instant sur la question du niveau de vie qui a longtemps caractérisé l’appartenance aux classes moyennes. Dans une étude pour la Fondation Jean Jaurès analysant « la fin de la grande classe moyenne », Jérôme Fourquet, politologue, décrit comment, durant les Trente Glorieuses, la moyennisation de la société s’est effectuée autour de la consommation : « Ils ont pu, par exemple, se doter d’un équipement pour leur foyer cochant toutes les cases du standard minimum exigé, c’est-à-dire une voiture et de l’électroménager. L’accès aux loisirs et aux vacances était assuré et, à horizon d’une vie, ouvriers et employés pouvaient envisager l’accession à la propriété. » Si ce modèle de consommation s’est standardisé, il s’est aussi élevé. Tout un temps rendu accessible par la force du travail et du revenu, Jérôme Fourquet est d’avis qu’il est désormais beaucoup plus compliqué, pour une toute une frange de la population (y compris des classes moyennes et pour les plus jeunes), d’y accéder. Ce mode de vie, que beaucoup de personnes pensaient acquis, a fini par leur échapper. Et ceci, d’après Jérôme Fourquet, a été mal accueilli par les principaux intéressés étant donné que « le pouvoir d’achat et le niveau de consommation constituent des facteurs essentiels de l’estime de soi et de la mesure de bonne intégration sociale[42] ».
Enfin, brièvement, d’autres éléments peuvent expliquer les difficultés des classes moyennes. Parmi elles, on retrouve notamment la dévalorisation des titres scolaires (ou diplômes) que cite Louis Chauvel. L’auteur, pour le cas de la France, décrit une situation où le diplôme perd en prestige et n’ouvre plus les portes qu’en d’autres temps il aurait justement permis d’ouvrir.[43] Il poursuit et précise que la surmultiplication des diplômes s’apparente plus à un objectif quantificatif que qualificatif, ce qui mènerait à une impasse qu’il décrit comme étant « celle d’une génération dépositaire de titres universitaires sidéraux, mais dont la contrepartie en termes d’emplois réels est destinée à demeurer virtuelle[44] ». Un autre problème évoqué par Louis Chauvel a trait à la mobilité descendante ou, dit autrement, au déclassement social intergénérationnel qui toucherait une partie des membres des classes moyennes.[45]
«Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir »
J’ai le sentiment que très peu, parmi nos décideurs politiques, prennent véritablement conscience de l’importance des classes moyennes pour la stabilité sociale, économique et politique de notre société ainsi que des menaces qui pèsent sur son existence. Est-il nécessaire de rappeler, à une époque pas si lointaine, que la France a vu poindre une crise qui a vu des milliers de citoyens (issus des classes modestes et classes moyennes inférieures) descendre dans les rues crier leur désarroi, leur colère, leur désespoir et porter des revendications des plus légitimes ? À l’époque, j’avais été particulièrement perplexe à la lecture d’un certain nombre de commentaires et analyses sur cette crise. J’y ai souvent vu des propos enrobés de dédain et de mépris, des condamnations et des moqueries émanant de décideurs, mais aussi d’observateurs et autres éditorialistes, préférant, souvent, pointer la violence (inacceptable) d’une minorité et passer sous silence les déboires d’une majorité à bout de souffle qui estimait être abandonnée par l’État français. Il faut pouvoir entendre la frustration de ces populations et répondre à leurs inquiétudes et leurs doutes. C’est précisément le rôle du politique.
Pour ce faire, il convient d’activer des leviers. Le premier d’entre eux est l’éducation et la formation. Face au phénomène de la polarisation de l’emploi qui touche particulièrement les classes moyennes, faisons de la formation « tout au long de la vie » un outil central. Pensée en concertation avec les entreprises – après tout, elles connaissent mieux que quiconque leurs besoins –, la formation professionnelle doit permettre aux personnes dont l’emploi est menacé par les évolutions technologiques d’acquérir de nouvelles compétences. Le rôle de l’État est d’impulser, faciliter voire d’accompagner le changement. Face à la révolution numérique et les profondes mutations du marché du travail, le système éducatif et la formation doivent être réinventés sous peine de rater le train en marche. Ceci implique aussi de faire évoluer les mentalités. Un second levier concerne la fiscalité. Aujourd’hui, face au profond sentiment d’injustice fiscale qui prévaut (à juste titre), il faut pouvoir refonder en profondeur la fiscalité et la rendre plus lisible, plus juste, plus attractive et plus distributive. Les classes moyennes ont souvent le sentiment de contribuer beaucoup mais de recevoir peu en retour. Un nouveau paradigme s’impose, à la hauteur des enjeux sociétaux. Le travail doit être encouragé, valorisé et soutenu. La Belgique n’est-elle pas l’un des pays européens taxant le plus le travail ? Une réforme de la fiscalité s’entend aussi par des aides renforcées à l’égard des jeunes qui désirent acquérir un premier logement. Assurément, cette réforme devra être effectuée sans tabou. Il faut rétablir un contrat social, redéfinir un projet de société qui fasse sens. Sans ça, les classes moyennes continueront leur lente érosion. L’État doit s’atteler à redonner de l’espoir et la confiance à cette frange de la population. Et de citer Emile Zola, pour conclure cet article : « Lorsque l’avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble ».
[1] Damon, J., « Les classes moyennes : définitions et situations », Études, 2012.
URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2012-5-page-605.htm
[2] Polère, C., « Classes moyennes : quel avenir, quels impacts attendre de leur transformation ? », Métropole de Lyon, 2017, p. 8.
URL : file:///C:/Users/PERMFE~1/AppData/Local/Temp/Classes%20moyennes_CPmarsWEB.pdf
[3] Guillaume, T., « La classe moyenne étouffe, dit l’OCDE », Lecho.be, 2019.
URL : https://www.lecho.be/economie-politique/international/economie/la-classe-moyenne-etouffe-dit-l-ocde/10116038.html
[4] Le revenu disponible correspond à tous les revenus perçus (qu’ils soient issus du patrimoine, d’une activité) après déduction des impôts directs et l’ajout des prestations sociales.
[5] Observatoire des inégalités., « Pauvres, moyens ou riches ? Les revenus par type de ménage », Observatoire des inégalités, 2021.
URL : https://www.inegalites.fr/Pauvres-moyens-ou-riches-Les-revenus-par-type-de-menage?id_mot=130
[6] Laurent, S., Roucaute, D., « Qu’est-ce que la classe moyenne ? », Les décodeurs, LeMonde.fr, 2016.
URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/09/18/quelle-definition-de-la-classe-moyenne_4490097_4355770.html
[7] Propos d’Éric Maurin recueillis par Bourmeau, S., « Politiquement, les classes moyennes ont un rôle d’arbitre qu’elles n’ont jamais eu avant », Liberation.fr, 2012.
URL : https://www.liberation.fr/societe/2012/01/12/politiquement-les-classes-moyennes-ont-un-role-d-arbitre-qu-elles-n-ont-jamais-eu-avant_787684/
[8] Propos de Serge Bosc recueillis par Buet, P-E., in « Mais qui sont donc les Français de la « classe moyenne » ? », Challenges.fr, 2014.
URL : https://www.challenges.fr/economie/qui-sont-les-francais-de-la-classe-moyenne_141709
[9] Pochic, S., « Cadres et artisans : deux pôles opposés ? », Constructif, 2012.
URL : http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-11/cadres-et-artisans-deux-poles-opposes.html?item_id=3287
[10] Bonneval, L., Fourquet, J., Gomant, F., « Portrait des classes moyennes », Fondapol, 2011, p. 10.
http://eclairs.fr/wp-content/uploads/2011/09/note1portrait-des-classes-moyennes.pdf
[11] Oudghiri, R., « La classe moyenne existe-t-elle encore ? », LSA, 2019.
URL : https://www.lsa-conso.fr/la-classe-moyenne-existe-t-elle-encore-etude-analyse,330071
[12] OCDE., « Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse », Éditions OCDE, Paris, 2019, p .22.
URL : https://www.oecd-ilibrary.org/sites/2b47d7a4-fr/1/2/1/index.html?itemId=/content/publication/2b47d7a4-fr&_csp_=afa8739201c732850f1f1d215a4869c8&itemIGO=oecd&itemContentType=book
[13] Propos de Philippe Defeyt in Mormont, M., « Classes moyennes menacées ? La Sécu en guise de parachute », Alter Échos, 2016.
URL : https://www.alterechos.be/classes-moyennes-menacees-la-secu-en-guise-de-parachute/
[14] Centre d’observation de la société., « Déclassement », Centre d’observation de la société, 2017.
URL : http://www.observationsociete.fr/definitions/declassement.html
[15] Ibid., p. 142.
[16] Chauvel, L., « La spirale du déclassement. Essai sur la société des illusions », Éditions du Seuil, Paris, pp. 83-85.
[17] Ibid., p. 87.
[18] Ibid., pp. 57-58.
[19] Ibid., p. 57.
[20] Pour plus d’informations, consultez Goux, D., Maurin, E., « Les nouvelles classes moyennes », Coll. Collection La république des idées, Éditions du Seuil, 2012.
[21] Propos d’Éric Maurin recueillis par Bourmeau, S., « Politiquement, les classes moyennes ont un rôle d’arbitre qu’elles n’ont jamais eu avant », Liberation.fr, 2012.
URL : https://www.liberation.fr/societe/2012/01/12/politiquement-les-classes-moyennes-ont-un-role-d-arbitre-qu-elles-n-ont-jamais-eu-avant_787684/
[22] Vie-Publique.fr, « Crainte du déclassement : la fin de l’ascenseur social ? », Vie-Publique.fr, 2019.
URL : https://www.vie-publique.fr/eclairage/272088-crainte-du-declassement-la-fin-de-lascenseur-social
[23] Bonneval, L., Fourquet, J., Gomant, F., op. cit., p. 27.
[24] Revenus situés entre 75% et 200% du revenu médian national
[25] OCDE., op. cit., p .24.
[26] Ibid., p. 31.
[27] Bouzou, N., Damon, J., « Petits meurtres entre amis. Classes moyennes : le 21ème siècle m’a tuer ? », Atlantico.fr, 2013.
https://www.atlantico.fr/article/decryptage/classes-moyennes–le-21eme-siecle-m-a-tuer–nicolas-bouzou-et-julien-damon
[28] De Sloover, F., Saks, Y., « La polarisation de l’emploi va-t-elle de pair avec celle des salaires ? », Banque nationale de Belgique, 2018, p. 86.
URL : https://www.nbb.be/doc/ts/publications/economicreview/2018/revecoiii2018_h4.pdf
[29] Reshef, A., Toubal, F., « La polarisation de l’emploi de France. Ce qui s’est aggravé depuis la crise de 2008. », CEPREMAP, Éditions Rue d’Ulm, 2019, p. 16.
https://www.cepremap.fr/depot/opus/OPUS50.pdf
[30] Ibid., p. 79.
[31] Peugny, C., « L’évolution de la structure sociale dans quinze pays européens (1993-2013) : quelle polarisation de l’emploi ? », Sociologie, 2018.
URL : https://journals.openedition.org/sociologie/3691
[32] Verdugo, G., « La polarisation des marchés du travail », SES-ENS, 2020.
URL : http://ses.ens-lyon.fr/articles/la-polarisation-des-marches-du-travail
[33] Reshef, A., Toubal, F., op. cit., p. 80.
[34] Propos de Grégoire Verdugo recueillis par Polère, C., « Classes moyennes : quel avenir, quels impacts attendre de leur transformation ? », Métropole de Lyon, 2017, p. 35.
URL : file:///C:/Users/PERMFE~1/AppData/Local/Temp/Classes%20moyennes_CPmarsWEB.pdf
[35] OCDE., op. cit., p. 21.
[36] Verdugo, G., « La polarisation des marchés du travail », op. cit.
[37] OCDE., op. cit., p. 25.
[38] Ibid., p. 26.
[39] Ibid., pp. 28-29.
[40] Ibid., p. 29.
[41] Statbel., « Le logement occupe une place toujours plus importante dans le budget des ménages », Office belge des statistiques, 2019.
URL : https://statbel.fgov.be/fr/nouvelles/le-logement-occupe-une-place-toujours-plus-importante-dans-le-budget-des-menages
[42] Fourquet, J., « La fin de la grande classe moyenne », Fondation Jean Jaurès, 2019.
URL : https://jean-jaures.org/nos-productions/la-fin-de-la-grande-classe-moyenne
[43] Chauvel, L., op. cit., p. 112.
[44] Ibid., pp. 113-114.
[45] Ibid., pp. 114-115.