Gilles Agosti n’est pas un inconnu à Wavre. Le jeune infirmier et échevin de la commune est l’une des figures montantes de la nouvelle génération des libéraux, une nouvelle génération qui cherche constamment à rester à l’écoute de la jeunesse. Rencontre.
Jeunes & Libres : Pour les nombreux lecteurs qui ne sont pas Wavriens et Wavriennes, pourriez-vous leur en dire plus sur vous ?
Gilles Agosti : Je suis infirmier avec une spécialisation en urgence et soins intensifs, à l’Hopital Saint-Pierre, formation que j’ai complétée par un master à UCLouvain en santé publique, gestion et management des institutions. Depuis 2018, j’ai diminué drastiquement mon temps de travail tout en consacrant néanmoins l’équivalent d’une semaine par mois aux urgences et en prison.
En plus de mon activité professionnelle, mon engagement politique a démarré en 2012, après les élections communales. Dès le départ, la section wavrienne des Jeunes MR était très dynamique, nous avons réalisé beaucoup de projets et très vite, je me suis lancé dans une première campagne, en interne, en 2014 avec Lora Nivesse (ancienne présidente des Jeunes MR, NDLR) et Mathieu Bihet (ancien vice-président puis président des Jeunes MR, actuellement président de Jeunes & Libres, NDLR) dans un ticket pour la présidence nationale des Jeunes MR.
En 2018, j’ai eu cette opportunité d’intégrer la liste du bourgmestre de Wavre, tirée par Françoise Pigeolet, à la vingt-deuxième place. Grâce à une campagne de terrain, à un bon score personnel et à Françoise à qui je dois ma montée au Collège, j’ai été nommé échevin de l’économie (PME et industries), de l’emploi, des finances, de la jeunesse, des personnes à mobilité réduite, de la santé et du tourisme dès ma première participation électorale. Cela fut une véritable surprise pour moi.
J&L : Pourquoi vous êtes-vous engagé aux Jeunes MR ? Que représente le libéralisme pour vous ?
G. A. : Après énormément de lectures, de rencontres, d’échanges sur le libéralisme, l’évidence était là. Le libéralisme représente, pour moi, la meilleure des visions et des versions qu’on pouvait en faire de la politique parce qu’elle est centrée sur l’individu, sur la défense des droits individuels. La doctrine libérale prône des idées progressistes telles que la démocratie, le droit d’entreprendre, le droit et la protection de la propriété. J’assume être un véritable libéral social.
Mon engagement est venu assez rapidement après, car, comme beaucoup, j’avais envie d’être plus acteur que spectateur. J’avais des idées, j’avais de l’énergie pour les porter aussi et donc, je me suis lancé.
J&L : Quand on devient échevin aussi jeune, n’y a-t-il pas un moment où on se dit “c’est trop tôt, je ne suis pas prêt” ?
G. A. : J’ai eu beaucoup de craintes au moment où on m’a proposé l’échevinat, mais je me suis dit qu’il fallait y aller. Du fait du suffrage universel, des centaines de citoyens wavriens avaient voté et il fallait mettre en œuvre la confiance qu’ils avaient placée en moi. De plus, les six années d’expérience au sein des Jeunes MR ont été vraiment très riches, très porteuses de sens, de débats, d’idées. Cela a été une bonne “école” bien que les enjeux soient différents au niveau local, le poids des responsabilités n’étant pas le même non plus.

J&L : Quelle est la journée type d’un échevin ?
G. A. : Il n’y a pas vraiment de journée type, d’autant plus que le portefeuille comporte plusieurs matières. Le travail d’échevin est avant tout rythmé par énormément de rencontres, de rencontres de terrain, de réunions, mais aussi de temps de travail individuel. Il faut pouvoir réussir à en bloquer, même si ce n’est pas évident parce que l’agenda est toujours bousculé, mais il faut avoir du temps individuel justement pour travailler.
Je déteste la “réunionite aiguë”. Je suis quelqu’un de très pragmatique. J’aime quand les choses avancent. Mais la réalité d’une politique, c’est aussi pouvoir travailler avec une administration et donc il y a des temps de vie, de dossiers qu’on doit pouvoir respecter et des délais qu’on ne peut “compresser”.
J&L : Si vous deviez citer un projet dont la réalisation vous a particulièrement enthousiasmé, quel serait-il ?
G. A. : C’est une question très difficile. Nous avons beaucoup de réalisations à notre actif, avec le Collège et les membres du personnel communal, beaucoup de très belles réalisations… Il y en a une dont je suis particulièrement fier et pour laquelle on ne nous “attendait” pas spécialement : l’organisation d’un très beau tournoi E-Sport à Wavre. Cette discipline mérite qu’on puisse lever le voile sur elle. Elle est encore trop souvent jugée avec des a priori.
Le projet comporte un tournoi d’E-Sport avec cent cinquante joueurs et six cents spectateurs, mais aussi des initiations, des conférences, des expositions, ainsi que les Belgian Games Awards. L’aspect “culture du genre” a également été traité. Pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas jouer aux jeux vidéo ? Comment les inclure dans ces jeux vidéo, ainsi que les personnes porteuses d’un handicap ? Quel est le rôle du jeu vidéo ?
L’impact de ce projet dépasse Wavre et même le Brabant wallon. Les opérateurs e-sportifs de la fédération d’E-Sport connaissent maintenant notre projet. Et tout ça est parti d’un de mes engagements de campagne, que j’ai soufflé à l’oreille de mes collègues lors de la rédaction de notre déclaration de politique communale. Je pense que c’est rare, voire peut-être même exceptionnel dans une déclaration de politique communale, je ne connais pas d’autres villes qui l’avaient mis comme objectif politique en tant que tel. Nous, nous l’avons fait.
J&L : D’où vous est venue cette idée ?
G. A. : La problématique était : “Comment parler aux jeunes ?”. La réponse nous semblait évidente : avec un langage qu’ils connaissent. Force est de constater que ce n’est pas en faisant des après-midi de jeux de société qu’on va les attirer… Et je le dis parce que j’ai essayé avant. Ma réflexion n’est pas du tout péjorative. J’ai organisé cinq à dix après-midi de jeux de société les mercredis… pour deux personnes.
Je suis convaincu, aujourd’hui, qu’il n’y a pas d’approche holistique du jeune. Dès lors, comment pouvoir les approcher ? Comment pouvoir les sensibiliser ? Il faut maintenant parler un langage qu’ils connaissent, un langage qui leur est commun et le jeu vidéo parle à peu près tout le monde. Mais nous ne nous sommes pas seulement contentés d’organiser des “LAN” (compétitions de jeux vidéo multijoueurs, NDLR), mais nous l’avons fait de manière beaucoup plus intelligente comme je l’ai expliqué auparavant.
Toutefois, je ne sais pas encore si nous retenterons l’expérience en tant qu’organisateur. Bien que nous soyons poussés à le refaire évidemment avec les opérateurs, je suis persuadé que l’initiative doit venir du monde associatif, voire du privé et que la ville ne doit être que dans un rôle de soutien. Être à l’organisation est un travail lourd, chronophage pour nos équipes.

J&L : Dès lors, quels projets souhaiteriez-vous réaliser ou prolonger durant la prochaine législature si vous êtes reconduit ?
G. A. : Lorsque nous avons consulté les jeunes Wavriens et Wavriennes durant cette législature, une idée est ressortie : un skate park et un pump track (piste en boucle, constituée de bosses et de virages relevés, qui peut être utilisée avec différents équipements sportifs, dont les VTT ou les BMX, NDLR). Je pense que ce serait un des premiers dans la région, si le permis d’urbanisme est accepté. Il s’agira d’un gros chantier pour la commune. À ce titre d’ailleurs, nous organisons tous les mercredis après-midi, jusqu’en décembre, avec la cellule Jeunesse de la commune de Wavre, des Initiations au skate, au skateboard, au sport de glisse, que ce soit des cours théoriques, des cours pratiques, etc., un peu partout en ville.
En outre, j’ai été particulièrement attentif aux besoins des personnes porteuses de handicaps à Wavre. J’aimerais donc vraiment que cette ville soit de plus en plus inclusive et qu’à chaque fois que nous réalisons des aménagements, ces derniers soient adaptés aux personnes porteuses de handicaps et celles à mobilité réduite. Cette politique a été menée durant les six années passées et l’on pourrait se dire que six ans, c’est long pour une personne extérieure au projet, mais c’est court, voire très court, lorsqu’on réalise ce projet, lorsque l’on est à la manœuvre et qu’il faut passer par l’ensemble des structures administratives et légales.
J&L : Vous avez évoqué à plusieurs reprises la question de la jeunesse depuis le début de l’interview. Pourquoi avoir à cœur de développer une politique jeunesse au niveau local, sachant que cette politique fait partie des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui y alloue des moyens financiers plus importants que ceux d’une commune ?
G. A. : À force de rencontrer des jeunes, nous avons naturellement créé une politique de jeunesse participative, une politique “bottom up”, et c’est plus intéressant parce qu’aujourd’hui, nous posons des actions politiques qui, elles-mêmes, ont été définies par les jeunes… et cela marche! Nous n’avons pas pour autant trouvé LA recette miracle, mais cela fonctionne puisque cette politique jeunesse répond aux attentes et aux besoins des jeunes de la commune.
Par rapport à la politique jeunesse de la FWB, je dirais que la force d’une politique jeunesse locale réside, comme toute politique décentralisée, dans sa capacité à agir directement en fonction des besoins locaux identifiés, car les besoins de la jeunesse wavrienne ne sont certainement pas les mêmes que ceux de la jeunesse montoise ou liégeoise, les réalités socio-économiques n’étant pas les mêmes.
Pour procéder à l’identification des besoins, plusieurs méthodes existent. Nous disposons d’un conseil communal des jeunes ainsi que d’un conseil communal des enfants, que nous avons, tous deux, redynamisés et pour lesquels nous avons investi des moyens humains. Nous avons également des contacts privilégiés avec des acteurs de terrain, tels que des AMO, des maisons de jeunes ou encore des mouvements de jeunesse, dont sept groupes locaux sont implantés sur notre commune. Cela représente des milliers de jeunes ! Lors de la première rencontre avec le “secteur jeunesse” local, nous avons reçu vingt participants. Aujourd’hui, ce n’est pas moins d’une centaine de participants qui se retrouvent pour discuter de thématiques qui vont de la santé mentale des jeunes, au problème des assuétudes ou encore de l’extrascolaire.
La participation des jeunes à la vie locale a également été renforcée par la mise en place de “Focus Jeunes” qui est un appel à projets pour les jeunes Wavriens et Wavriennes de 12 à 30 ans et qui permet de proposer une action concrète pour les jeunes à réaliser dans l’année. Les jeunes reçoivent un soutien financier pouvant aller jusqu’à 5.000 EUR, une visibilité et une médiatisation dans les médias et réseaux sociaux de la Ville en plus d’un accompagnement et d’un coaching par le Service de la Jeunesse de Wavre. Nous sommes néanmoins conscients que la charge “administrative” inhérente à un appel à projets peut freiner la motivation de certains jeunes, mais les jeunes doivent savoir que le dispositif existe et que nous sommes prêts à les accompagner.

J&L : Quelle posture doit adopter selon vous une commune vis-à-vis d’opérateurs jeunesse présents sur son territoire ?
G. A. : Les communes doivent jouer deux rôles : celui d’impulsion et celui d’accompagnement. Impulsion, car, parfois, il faut qu’il y ait un “gros moteur” qui puisse mettre en marche des projets ou des initiatives pour que d’autres suivent. Et très souvent, il faut un accompagnement pour les réaliser des ajustements nécessaires.
Mais jamais au grand jamais, il ne faut, en tant que commune, rentrer dans un projet ou tenter de mettre un projet en place qui ne parle pas à l’ensemble des acteurs de terrain, car il sera voué à l’échec. J’ai cité, en début d’interview, ce projet d’après-midi de jeux de société que j’ai mis en place au début de la législature. Ça n’a pas fonctionné, entre autres, car nous avons travaillé “en silo”, comme pour une politique de mobilité, de travaux ou d’aménagement du territoire bien que ces politiques nécessitent également de la concertation avec les acteurs locaux, mais ces politiques suscite “automatiquement” des réactions, des questionnements, des oppositions. Quand on tente de développer une politique locale de jeunesse, il faut être conscient que les jeunes vont rarement venir d’eux-mêmes toquer à la porte d’une administration communale en disant “qu’est-ce qui se passe pour les jeunes ici ?”.
Il faut dès lors se tourner vers les structures déjà établies. Ça a été à nous de nous implanter, de nous intégrer dans ce “microcosme” existant parce que les jeunes n’attendent pas pour se structurer entre eux.
J&L : Vous avez évoqué le conseil des jeunes de la ville de Wavre. Quel est son rôle et comment est-il composé ?
G. A. : Il ne faut pas être élu pour siéger au conseil des jeunes, ce sont uniquement des jeunes qui s’investissent sur base volontaire et qui nous contactent pour rejoindre ce conseil. Actuellement, douze à treize jeunes, de douze à dix-neuf ans y siègent. C’est un conseil très participatif et très actif.
Ce groupe est hyper motivé. Récemment, ils ont visité le Parlement wallon ainsi qu’une exposition sur les violences sexistes à Namur et cela, un samedi matin. Ce genre d’activités, ce sont les jeunes qui les définissent au travers d’un planning et d’une liste de thèmes et sujets qu’ils souhaitent aborder. Nous n’intervenons dans le processus, avec mon collaborateur jeunesse, qu’au moment de la réalisation du programme de l’année.
Parmi leurs réalisations, on peut citer l’aménagement d’un studio radio mobile grâce auquel ils réalisent énormément de micros-trottoirs qui offrent la possibilité de réellement faire remonter des informations directement des jeunes de la commune. De mon côté, je prends vraiment le temps de les écouter, d’échanger avec eux et, à mon tour, de remonter au sein du Collège communal leurs préoccupations.
J&L : Pour que cela marche, faut-il une politique volontariste de la part de l’édile en charge de la politique jeunesse ?
G. A. : Le conseil des jeunes a été mis en place par mon prédécesseur et, soyons honnêtes, le conseil vivotait, n’était plus actif et ne se réunissait plus. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y avait pas de “carotte”, de but, de soutien. Les jeunes ont besoin d’un ou de plusieurs objectifs, de voir le résultat de leur travail, du concret, des réalisations qui se mettent en place.
C’était une réelle volonté de ma part de les faire “travailler” de la manière la plus participative possible, d’être à leur écoute et d’éviter l’effet “pipeau”. Quand on s’engage à quelque chose, on le fait, sinon on ne s’engage à rien du tout. Le risque est qu’ils soient à nouveau déçus.